« Va te faire foutre ! » Tu ne peux réprimer un léger ricanement, tandis que tu observes les traits offusqués de son visage. Elle se déplace, possiblement vexée que tu l’aies comparée à un rongeur. Cependant, son orgueil t’amuse un peu. Suffisamment pour que tu ne remarques nullement la machination qui se met en route, juste sous ton regard pourtant avisé. Et, alors que tes yeux venaient de se détourner négligemment pour observer une autre direction, tu ressentis un violent coup se porter à ton flanc, t’arrachant un hoquet de stupeur. « Que…?! » Tu grimaces, tandis que tu constates que la douleur n’est pas vive bien que présente. Tu détournes ton visage alors vers Ivy, armée de sa serviette mouillée, qui semble incroyablement satisfaite de son action. « De la part du hamster ! » lance-t-elle, agrémentant ses paroles d’un magnifique relevé de majeur et d’un sourire qui t’horripile. Du moins, sur l’instant. « Connasse! » réponds-tu, faussement agacé, avant d’esquisser un léger sourire à ton tour qui se transforme en ricanement. Tu remarques alors qu’Ivy s’est avancée jusque de l’autre côté de l’îlot, instaurant un périmètre raisonnable entre vos enveloppes charnelles. Instinct de survie, sans nul doute. « Excellente idée ce prêt de t-shirt ! » rincane-t-elle, visiblement euphorique de sa trouvaille. Tu déposes tes mains sur l’îlot, face-à-face avec ta tortionnaire du moment, tes yeux incandescents brûlant d’une drôle d’ardeur. « Parce que tu peux me fouetter ou parce que tu as une vue imprenable sur mon torse? » l’interroges-tu avec malice, tandis que tu passes ta langue sur ta lippe inférieur, se demandant si ces deux théories l’ont aussi effleurée ou si elle n’avait vu dans son comportement enfantin qu’un bête jeu d’antan – auquel tu n’avais jamais participé, il est vrai. En tous cas, tu devais reconnaître qu’elle s’y connaissait sur la manière d’utiliser un simple bout de tissu mouillé. Tu ne doutais nullement que le pauvre Mikkel avait dû connaître ce sort, lui aussi, bien que cela s’avérait sans doute moins érotique qu’en cet instant précis. « Dis-moi, Ivy… Tu as peur de moi à ce point pour t’éloigner comme ça? » Bien sûr, tu t’attends pertinemment à ce qu’elle te rétorque une pique acerbe dont elle a le secret afin de contrer tes dires, trouvant un prétexte suffisamment éloquent pour s’extirper de ta suggestion éreintante. Mais, tandis qu’elle cherche probablement à user de sa bouche avec véhémence, tu te rapproches, contournant l’îlot central de la cuisine sur lequel tu laisses glisser tes longs doigts, arrivant progressivement jusqu’à la hauteur de la trentenaire à la chevelure dorée. Une fois la distance de sécurité considérablement réduite, tu poses tes yeux bleus foncés dans les siens, tandis que ton souffle rauque trahit les prémices de tes désirs dissimulés sous votre jeu d’enfant. « Bouh… » fais-tu, sans la moindre conviction, alors que tu la surplombes de quelques centimètres, vos deux corps se frôlant presque. Tu es curieux, Seheiah, de ce qu’elle fera. De savoir si, elle aussi, elle ressent cette dangereuse attraction permanente ou si elle n’est éprouvée que de ton côté. Va-t-elle, une fois de plus, s’extirper de ton aura magnétique, replaçant le périmètre de sécurité, jouera-t-elle avec toi telle une enfant ou succombera-t-elle à l’appel de la luxure qui te dévore ? Tu ne saurais le prédire, tant les réactions de la Campbell te paraissent improbables. Cela dit, tu nourris l’espoir secret qu’elle cède à l’Enfer avant que tu n’aies à retourner dans ton antre invisible, dès lors que le sommeil se sera emparé de ton âme.

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Pando

« Tu sais bien que je préfère te faire mal... » un sourire espiègle se dessine sur ton faciès, accompagnant allègrement le sien, tandis que tu te perds dans la contemplation de ses yeux à la couleur de la mer. Cependant, loin de désirer en rester à cet état-là où son regard parcourait tes abdominaux – tu l’avais remarqué – tu décidas d’enfoncer le clou, de la pousser dans son égo afin qu’elle te réponde. Une sorte de jeu malsain dans lequel tu appréciais te vautrer en sa compagnie. Si jamais elle décidait de réitérer les assauts avec son linge humide, tu saurais savourer chacun des claquements émis contre ta chair. Ce dont elle n’ignore rien, étant donné vos dernières péripéties. « Prudente plutôt... » Une qualité remarquable pour cette habituelle tête brûlée. « Je ne sais jamais ce qu’il se trame dans ta tête... » Second point, tout aussi tranchant, mais qui est indéniablement véridique. Toutefois, tu pourrais lui retourner le compliment. L’aperçu que tu avais eu de son esprit troublé, par la présence du Chien de l’Enfer, gardien de ses tourments les plus secrets, avait aiguisé ton appétit d’en connaître davantage sur elle. Cela dit, tu te doutasses qu’elle préférerait certainement échanger ses pensées au détour d’une confession sur l’oreille, perdue dans les bras de ton alter-égo ensommeillé. Taquin, peut-être un brin provocateur et en proie à ta luxure linéaire, tu t’avanças alors jusqu’à la jeune femme, feintant de l’effrayer par un simple « bouh ». Bien sûr, elle ne tressaille nullement – ce n’était pas le but recherché – et elle se contente de plonger ses yeux dans les tiens, aux teintes métallisées et en proie au bleu profond des entrailles incertaines sous-marines. Un regard différent de celui de Gadrel, plus clair bien que moins lisible. « Qu’est-ce que tu cherches Seheiah ? » murmure-t-elle alors, tandis que tu ne sais pas toi-même ce que tu souhaites. « Qu’est-ce que tu veux ? » Tu souffles, tandis que tu essaies de deviner ce qui se trame dans son âme, alors que les voiles sur son regard se modifient, changeant les nuances qu’il arbore fièrement. Tu te perds, l’espace de plusieurs secondes, à la recherche de ta propre et cinglante vérité. Tu pourrais lui infliger le fardeau de tes pensées, renouant de cette sordide réalité qui est tienne : tu la veux. Elle. Rien que pour toi. De cette exclusivité malavisée qui détrônerait Gadrel. Bien que tu sois prêt à la partager… un peu. Elle pose ses doigts sur ton ventre et ton épiderme réagit inexorablement, bien trop rapidement. Tu inspires. Tu expires. Elle remonte jusqu’à tes épaules, jusqu’à ta nuque, pour les déposer sur ta joue. Tu frémis dans son sillage, tes veines se gonflant de cette sensualité qui se dégage de cette caresse. Tu cèdes, progressivement, sous ce délicat assaut de ton corps. Tes lèvres s’entrouvrent légèrement et tu t’apprêtes à formuler ta requête vindicative. Mais tu es interrompu alors que son souffle se heurte sur tes lippes. « Il faut que tu dormes ! » Gifle violente. Tressaillement de ton palpitant. Meurtrissure de ton palpitant. Effroi grandiloquent qui manquerait de te provoquer un vertige douloureux. Tu cesses de respirer et ton regard change, presque aussitôt, tandis que la glace se répand dans tout ton être. Est-ce Gadrel, alors, qu’elle souhaite ? Lorsque tu dormiras, tu cesseras d’exister. Du moins momentanément. Est-ce donc cela qu’elle désire au plus profond de son âme ? Tu chavires, blessé, sentant tes sentiments affolés te heurter de plein fouet, encore et encore. Elle se recule, légèrement, qui plus est, instaurant une distance raisonnable entre vos deux enveloppes charnelles. Tu en gémirais presque de souffrance, Seheiah, si tu n’étais pas capable de retenir ta contrariété de manière olympienne. « Mais peut-être prendre une douche avant… » Cette phrase, ce revirement, tu n’en saisis aucunement les contours, ton égo étant meurtri de terreur et de questions insolentes. Cependant, la perspective de te relaxer un peu sous l’eau chaude t’était plutôt agréable, d’autant que ta chambre demeurait occupée par Seth et le médecin de l’ombre. Tu recules, à ton tour, opinant simplement de la tête quant à cette proposition. « D’accord… » souffles-tu, tandis que tout ton être se tend sous le poids de tes songes désagréables, forçant ton corps à ne pas trahir ton âme effondrée. Tu te retournes alors, telle une ombre perdue dans l’obscurité, et tu prends le chemin de la salle de bain, attenante à sa chambrée – la seule disponible. Tu montes les marches, une à une, en proie à la réflexion. Puis, tant tu es abasourdi, tu sens que ton esprit s’amenuise dans sa tristesse. Tu effectues les gestes mécaniquement : tu t’arrêtes dans la pièce, tu ôtes tes derniers vêtements – à savoir ton pantalon et ton boxer – puis tu arrives jusqu’à la douche où tu laisses l’eau couler quelques instants ; suffisamment pour qu’elle se réchauffe à ta guise. Tu oublies que tu es physiquement blessé et que ton pansement sera à changer, après ce manquement. Tant pis. Tu t’en chargeras ultérieurement. Indélicatement, tu décides de l’enlever, dévoilant cette plaie béante qui figurera parmi les nombreuses autres cicatrices dont tu es le porteur digne. Las, tu poses ta tête contre la paroi murale, juste devant toi, alors que le jet bienfaiteur laisse le liquide chaud se répandre sur la totalité de ton corps nu, t’arrachant un soupire de bien-être. Tu te détends, du moins ton enveloppe charnelle, refoulant tes émotions pour l’instant. Tu auras tout le temps du monde de t’auto-consoler, lorsque tu retourneras dans ta prison silencieuse, une fois endormi…

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Pando

La chaleur ambiante est plutôt agréable, tu le concèdes volontiers. Bien sûr, tes songes meurtris ne cessent de tourner en boucle la phrase prononcée par Ivy, quelques instants plus tôt. Elle te hante, vient te heurter inlassablement, titillant les plaies de ton âme. Tu soupires, las de ressentir. Finalement, tu te dis que de ne pas exister n’était pas une si mauvaise réalité. Certes, tu n’expérimentais pas grand-chose, en dehors de la violence, mais cela te paraissait moins désagréable que d’être dans un tel état. C’est alors que, tandis que tu étais obnubilé par tes pensées, une voix familière se fit entendre, attirant ton vif intérêt, bien que tu ne te retournasses nullement. « Il faut que tu reposes ton corps Seheiah c’est pour ça qu’il faut que tu dormes. » Tu tournes légèrement ton faciès, sans pour autant réussir à l’apercevoir. Elle est derrière toi, à une distance raisonnable. Probablement vers l’embrasure de la porte. « Ce n’est pas pour que tu partes… Je pourrais torturer qui après ? » Tes convictions s’embrouillent, progressivement. Tout te paraît moins tranché. Les contours de ses propos deviennent flous, flirtant avec tes espoirs et tes désillusions. « Sans compter que tu as une séance interrogatoire il me semble demain… Peut-être vaudrait-il mieux que tu sois aux commandes jusqu’à demain. » Douce proposition qu’est-ce là. Mais est-ce uniquement pour cette raison qu’elle désire ta présence experte ? « Et comme ça… Bah disons que cela servira de leçon à Gadrel pour qu’il prenne plus soin de votre corps et de lui… » Infliger un sévices à Gadrel t’apparaît comme délicieusement agréable. Tout comme l’entendre de la bouche de l’Empoisonneuse. Tu esquisses un léger sourire, reportant ton faciès en direction de la paroi murale, laissant l’eau poursuivre sa déferlante sur ton corps entièrement nu. « Merci. » dis-tu, sincèrement. « Merci de t’inquiéter pour nous. » car oui, tu n’es pas totalement idiot, Seheiah. Ivy est soucieuse, en particulier, du bien-être de son Adonis endormi. Celui qu’elle aime, peut-être bien. Et toi, en tant que double détestable, tu te dois de prendre soin de votre carcasse afin qu’elle puisse bénéficier encore un moment de sa présence. Toutefois, la tienne lui apparaît comme opportune étant donné ce qu’il se trame pour le lendemain. Tu le conçois, très honnêtement. Malgré cela, elle se berce d’une illusion précaire. Tu soupires. « Malheureusement, ça ne fonctionne pas comme ça, Ivy. » débutes-tu, en fermant les yeux, avant de poser tes deux mains contre le mur, face à toi. « Gadrel est l’hôte principal. Celui qui existe depuis toujours. C’est lui qui décide… la plupart du temps. » Evidemment, dans des cas extrêmes – comme ce soir – il n’est plus en mesure d’imposer ses décisions et tu es alors capable de les lui soumettre contre son gré. « Dès que je dormirai, il y a des fortes chance pour que le switch s’opère. Et c’est lui qui se réveillera. Pas moi. » expliques-tu. Puisque tu n’étais pas l’âme principale de ce corps, c’est ainsi que cela fonctionnait, dans la majorité des cas. Gadrel était le plus puissant de votre psyché, à n’en point douter. Tu n’étais qu’une espèce de fraction de son esprit tordu, rien de plus. « Je ne reviendrai que pour la séance de tortures, demain. Et je repartirai, aussitôt ma tâche accomplie. Sauf si… » Tu t’arrêtes, l’espace de quelques instants, t’affublant d’un sourire amer. « Sauf si j’ai une raison valable de rester et qu’il n’est pas pressé de revenir. » Tu as quelques exemples en tête de liste, notamment les fois où il n’avait aucun intérêt à réapparaître et que toi, tu manifestais ton envie d’être. De ressentir. Il s’accommodait alors de ton besoin et se disposait à s’effacer, momentanément. Parfois, même, vous partagiez la totalité de vos pensées et de tes visions, de tes émois. Tu relèves alors ton visage, tournant ta tête suffisamment pour atteindre la silhouette d’Ivy, au fond de la pièce, sans que le reste de ton corps ne se dévoile à elle. Bien que, de toute façon, elle t’a déjà vu totalement dénudé. « Mais si j’étais lui, je ferais tout pour te revenir le plus vite possible… » murmures-tu, esquissant un léger sourire, avant de replacer ton visage face à la paroi, enfonçant tes ongles contre le carrelage à la recherche d’une prise éventuelle. Tu inspires. Tu expires. Pourquoi as-tu dit ça, Seheiah ? Idiot !

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Pando

Tout le monde a divers côtés, Seheiah, et tu ne semblais pas échapper à cette règle. Bien que tu te sois toujours toi-même considéré comme l’autre face d’une même pièce, partageant ton corps avec une autre âme. Tu avais été relégué au rang de deuxième choix, sans y rechigner, puisque tu étais venu au monde après Gadrel. Tu t’en accommodais, depuis plus de vingt-cinq ans, sans réclamer une place plus importante. Tu étais le gardien de vos pensées les plus obscures, le bouclier capable d’encaisser les pires sévices. Le Protecteur. Cette affiliation te convenait parfaitement, jusqu’à présent. Pourtant… il avait fallu que ta route croise celle d’Ivy Campbell. Et, à elle seule, elle venait de bouleverser tes convictions les plus profondes. Toi qui n’étais que « l’autre ». Qu’un mirage, teinté de ce manque de lumière. Un fantôme dont on aurait oublié l’identité, effacée pour l’éternité de la pierre tombale où tu résiderais. Aux yeux du monde, tu n’existais pas. Tu ne revendiquais pas, Seheiah. Tu te contentais de traverser les jours et les nuits, sans espoir ni rêverie. Tu remplissais ta fonction et tu repartais dès qu’elle fut acceptablement accomplie. Mais, maintenant, tu te surprenais à cette gourmandise de vouloir en croquer un peu plus. Tu chérissais des instants qui n’auraient même pas dû t’appartenir, très égoïstement. Et tu te perdais dans tes songes, Seheiah, ne sachant plus comment gérer les émotions qui te traversaient et que tu aurais préféré muettes. Tu sens alors la présence d’Ivy, dans ton dos, et tu frissonnes malgré la douce chaude qui s’abat sur ton corps nu. Douce traitrise de ton enveloppe charnelle ! « C’est ton côté maso qui parle là… » Un sourire léger se dessine sur tes lippes. Peut-être n’a-t-elle pas totalement tort. En tous cas, lorsque ses lèvres se déposent sur ton épaule, tu ressens, Seheiah. C’est grisant. Effrayant. Tu constates que ton âme répond contre ton gré. Agaçant. « Je pense que tu pourrais lui parler aussi… Peut-être comprendrait-il que tu puisses vouloir être présent autre que pour les instants pénibles… » Tu as un doute quant à la faisabilité de ce projet, toi qui fus une ombre jusqu’à aujourd’hui. Qui es-tu pour revendiquer quoique ce soit à celui qui portait votre fardeau ? Tu n’en avais pas le droit. Tu te contentas alors d’apprécier le massage qu’elle initie, sur tes épaules, plutôt que de te laisser distraire par des rêves imaginaires, bien qu’agréables, de cette vie que tu n’aurais jamais. « Je pense que je peux faire une croix sur ma volonté d’assister à cette séance de torture sans toi… Gadrel ne m’amènera jamais c’est sûr ! » Elle n’avait pas totalement tort. « Je peux essayer de négocier, mais j’avoue que les chance sont plutôt minces. » souffles-tu, tandis que tu réfléchis à une stratégie pour qu’Ivy puisse te rejoindre dans ce délicieux massacre, qui aurait lieu demain. Tu aimerais la voir à tes côtés, Seheiah. Tu es persuadé qu’elle est loin d’être fragile. « Se pourrait-il que finalement tu m’aimes bien Seheiah ? » Tu inspires. Tu expires. Tu sens ses doigts sur ton épiderme, qui se promènent comme s’ils en avaient le droit le plus légitime. Tu fermes tes paupières. « Peut-être bien. » avoues-tu, peu serein de ta déclaration. « Je trouve dommage qu’on ne te demande jamais ce que tu veux… Alors Seheiah… Comment veux-tu occuper le reste de ton temps avant un repos plus que mérité ? » te glisse-t-elle à l’oreille, ce qui te fait ouvrir les yeux, tandis que tu sens le rythme de ton palpitant qui s’accélère. Tu tournes ton visage sur le côté, de façon à ce que tes yeux puissent atteindre les siens. Ton corps suit le mouvement, très lentement, jusqu’à ce que tu te retrouves face à elle, perdu dans ce regard aux incroyables nuances. Et là, avec hésitation, tu approches tes lippes des siennes. Presque timide. Tu l’embrasses, dans une douceur qui n’est pas ordinaire à toi. Tes doigts filent sur ses joues et, petit à petit, tu l’attires contre ton corps nu, reculant jusqu’à ce que ton dos heurte la paroi de la douche, tandis qu’elle se retrouve elle-même sous l’eau chaude. Ta langue, sans empressement, vient réclamer la sienne, tandis que ton cœur continue de frapper contre ton torse. C’est agréable. Etrange. Ca ne te ressemble pas, Seheiah. Pas du tout. Et cela te désarçonne, indubitablement. Est-ce cela qu’on peut éprouver, parfois, pour une tierce personne ? Tu ignores tout de ce qu’il se trame en toi, puisque tu n’as guère vécu grand-chose d’autre que la violence et la souffrance.

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Pando

Un instant suspendu dans les airs : c’est ce que tu as l’impression de vivre. Ce contact que tu as initié est effroyablement doux. Agréable. Il t’enivre de diverses sensations que tu explores, les frôlant de la pulpe de tes pensées fugaces, essayant de les discerner dans ce foutoir émotionnel. Tu te perds par moment, laissant alors filer le courant des événements entre tes doigts sans chercher à l’attraper, tel du sable fin dans le désert. Tu savoures ce qui t’est inconnu comme si ce sera unique. Parce qu’avec toi, c’est le perpétuel chemin que tu empruntes : chaque première fois peut également s’avérer être la dernière fois. Tu ignores lorsque tu t’éveilleras à nouveau et dans quel contexte. Celui-ci, tu n’aurais même pas su en rêver. Embrasser une femme, Ivy qui plus est, avec une telle tendresse… Impensable. Impossible. Et pourtant, c’est ce qui vient de se produire sous ta délicieuse impulsion. A croire que l’être humain aborde tant de réactions insoupçonnables que tu n’en découvres que des infimes contours à chaque fois. « Dis-moi ce que tu veux Seheiah… » te quémande-t-elle, ses doigts glissés dans ta chevelure ébène, tandis que tes mains demeurent autour de son faciès. Elles descendent alors progressivement sur sa gorge, sur ses épaules, jusqu’à s’arrêter sur ses hanches couvertes du tissu trempé qu’elle porte. Ton regard, qui avait suivi cette course empreinte de langueur, remonte alors dans le sien. Ta carapace se fissure, écorchant ton épiderme au passage. Ivy Campbell venait gratter cette surface de protection et était désormais en mesure d’en apercevoir l’intérieur. « Exister. » lâches-tu alors, dans un souffle rauque, digne d’un animal blessé qui se trouve à l’agonie et qui supplie les puissances supérieures de l’achever. Cela t’effraie de te confier, Seheiah. Tu ne l’as jamais fait. Pas même à l’hôte principal de ce système bancal qui vous compose. « J’aimerais exister aux yeux d’au moins une personne. » admets-tu alors, tandis que tes doigts entament de lascifs mouvements de vas-et-viens sur le t-shirt qui colle à sa chair, restant toujours dans les environs de son bassin. « Ne plus être juste ce fragment de Gadrel qui n’est là que pour être asservi à sa volonté et celle des autres. » C’était ton rôle, en tant qu’alter, d’intervenir à ces instants. Tu étais venu au monde dans des nuances obscures, partageant les souvenirs d’enfance de Gadrel comme si tu en fus plus spectateur qu’acteur. Ce n’est qu’à l’adolescence que tu avais pris le contrôle pour la première fois, échangeant ta place avec l’Adonis qui ne réalisa rien, sur l’instant. Il avait fallu que tu uses de patience et de pragmatisme pour lui avouer que tu étais présent, en lui. Que tu composais le puzzle de sa triste existence. « Si je venais à disparaître, je voudrais manquer à quelqu’un. Ne serait-ce qu’une seule personne... » avoues-tu dans une tristesse affolante, remarquant pertinemment qu’en cas de décès, il n’y aurait que le prénom de Gadrel collé sur la pierre tombale. Le tien serait tombé dans les abîmes de l’oubli. Qui se soucierait de toi alors que tu n’étais même pas supposé revendiquer la moindre légitimité ? Tu inspires, délicatement. Tu expires, bruyamment. « Je voudrais marquer l’existence d’un autre être humain pour survivre dans sa mémoire. » Pour ne plus être une âme égarée dans l’univers. Car aussi longtemps que cette personne se souviendrait de toi, tu aurais l’impression que ta vie aurait au moins un sens. Ephémère, certes, mais préférable au néant actuel. Tu apposes ton front contre celui d’Ivy, fatigué de n’être « que » toi-même. Un fantôme. Un « rien » qui constituait pourtant un tout. « Je veux ressentir… Je veux vivre… » murmures-tu, les yeux clos, essayant de te concentrer sur tes deux mains qui se glissent dans le dos de la jeune femme, montant jusqu’à ses omoplates avant de descendre très lentement jusqu’à la cambrure de ses reins, puis sur son fessier encore recouvert. Tu atterris là où s’arrête le t-shirt, effleurant son épiderme du bout de tes doigts. Tes yeux s’ouvrent subitement, oscillant entre désirs inavoués et meurtrissures avérées. « Et je te veux. Toi. » grondes-tu avec mélancolie, tandis que tu te saisis du bout de ce tissu, enfin, et que tu entames de le remonter très lentement sur son corps. Elle peut t’arrêter à tout instant, Seheiah, et tu en es conscient. Ton cœur se fracasse contre ton torse à chaque battement, dont le rythme est devenu anarchique et sournois. Ta respiration est lourde, empreinte d’envies et d’appréhension. N’aurais-tu pas été trop loin dans tes propos ? Avouer que tu la voulais, même si elle devait s’en douter, était une véritable torture pour toi, car il signifiait que tu franchissais une limite imposée depuis toujours à son égard. Tu ne voulais pas de sa haine, de sa colère. Tu souhaitais qu’elle te veuille de la plus humble des manières, tout comme c’est le cas pour toi en cet instant fébrile.

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