La colère est venue s’infiltrer sous ton épiderme, épousant la forme de tes muscles, les tendant au possible en vue d’une éventuelle réponse physique. Il faudrait si peu pour céder à l’appel de la déraison. Il t’en faudrait si peu pour que tout bon sens ne t’abandonne. Les salves successives de reproches, te renvoyant à ta propre impuissance, à ta propre inefficacité. Que croyait-il qu’il allait se passer ? Tu n’es pas l’homme de glace qu’il est, imposant, imperturbable, solide. Tu es le feu Ivy, incontrôlable, volcanique, destructrice. Tu craches ton venin Ivy, bien qu’il ricoche sur cet amas de chair sans en provoquer le moindre geste, le moindre frémissement. Tel un miroir, il ne fait que renvoyer tes attaques sans brisures, pas même une légère craquelure. L’irritation te gagne, ta verbe gagne en intensité, en vilenie, tu veux faire mal, tu veux blesser. Alors Ivy, tu fais ce que tu sais faire de mieux : appuyer là où cela fait mal. Si tu es douée pour une chose il s’agit bien de trouver les failles, les points faibles chez les autres. Certains parviennent mieux que d’autres à les dissimuler, mais il suffit d’une fois et tu t’en empares, gardant cette information précieuse au sein de ta mémoire. Gadrel, cet être si inflexible, tout en contrôle, il n’avait été difficile de trouver ce bouton rouge sur lequel appuyer : ton frère. Choix évident, indéniable. Sa mâchoire se crispe et tu l’aperçois, votre promiscuité te le permets. Tu jubiles intérieurement Ivy. Une victoire relative mais qui dénote l’impact de tes mots. Tu n’obtiendras guère plus, même les volutes de ses yeux restent d’une couleur égale. Frustrant. « C’est bon, tu as terminé ? » Ta langue claque sur ton palais. Que la porte des Enfers s’ouvre sous ses pieds et l’aspire dans un néant éternel. Il te met dans cette position de petite fille qui va se faire remonter les bretelles par son géniteur. S’il pouvait ne plus t’infantiliser tu apprécierais. Grandement. « Donc, si je résume la situation (…) Parfait. » Tu lui en foutrais de sa grande dame ! Cela n’avait absolument rien à voir avec ton ego… D’accord peut-être un peu ! Devais-tu pour autant subir cette avalanche de cynisme alors que tu ne souhaitais simplement que te prouver que tu pouvais t’en sortir par toi-même ? Croyait-il que cela t’importait si peu de voir tes employés se faire malmener ainsi pour tu ne savais quelle raison ? Tes nuits étaient bien courtes, tes journées si longues. Tu te triturais les méninges afin d’en démêler une idée, une solution. Bien sûr qu’il le savait, il appuyait dessus en connaissance de cause. « Ce loup est dangereux. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il ne s’en prenne à toi ou que son degré de violence augmente. Que feras-tu lorsque l’un d’entre vous se retrouvera avec la gorge tranchée et les boyaux à l’air ? » Tu tiques Ivy, il n’a pas seulement entendu vaguement parler de ce qu’il se tramait, il a eu plus de détails que tu ne le soupçonnais. Tu déduis de l’emploi du mot « loup » qu’on l’a informé des mots, sans trop te tromper tu le penses. « Tu viendras t’y baigner dedans, te prélassant de ce sursaut d’orgueil en disant que tu me l’avais bien dit ? » Ton cynisme s’amuse de cette situation, glissant sur le fil de ta colère sourde. Tu soupires Ivy, vous étiez loin de la mort d’un des vôtres. Pour preuve, les entailles étaient à des endroits qui ne nécessitaient une grande intervention. Certes elles gagnaient en profondeur ce qui ne te plaisait guère. S’en prendre à toi ? Tu n’y croyais pas une seule seconde. Il faudrait être si idiot.

Cela serait sans doute la pire erreur que cet anonyme puisse commettre, il signerait ainsi son arrêt de mort. Tu ne te pensais pas invincible Ivy, loin de là, mais tu avais conscience de la protection autour de tes épaules, celle induite par le statut de ton frère. « Tout ce que tu fais (…) mort et enterré. » S’il pouvait continuer de te balancer ainsi que tu es incompétente, cela apaisait si agréablement les maux de ton âme. Ton esprit s’amuse à cette douce illusion de ta main plongeant dans sa gorge pour en sortir ses cordes vocales avec délice et plaisir. Non. Pas maintenant. Tu croises les bras sur ta poitrine pour t’assurer un prise sur cette réalité approximative, oscillant avec les élucubrations de ton esprit blessé. « Je sais que tu t’en fiches, mais il ne va plus tarder à s’en prendre à toi. J’en ai les preuves, juste ici. Tiens. » Tu soupires une nouvelle fois prenant entre tes doigts ce qu’il te tend. « A toi de décider ce qu’il y a de mieux pour tes protégés. » Tu grinces des dents, s’il voulait t’infliger une gifle elle n’aurait pu être aussi douloureuse. « Je serai en bas. Prends le temps de réfléchir à ma proposition. » Quelle proposition ? À part une distribution d’ordres tu n’avais entendu aucune proposition de sa part. Il disparait alors de ton champ de vision, emportant avec lui son aura imposante. « Connard ! » Siffles-tu entre tes dents, t’installant à ton bureau pour regarder ces documents qui devaient être si probants quand à ta sécurité. Tu ne t’attendais pas à cela Ivy, pas le moins du monde. Les mots t’amusent plus qu’autre chose, tu ne crains nullement d’y lire cette succession d’envies indécentes. Tu as vécu tant de choses. Avant. Tu en soupirerais presque de lassitude. Si là-dedans résidait ses preuves… Tu ne les voyais pas. Vint alors le dernier papier, tu le retournes avec nonchalance. Tes yeux accrochent la photographie. Tu la regardes plusieurs fois, jonglant entre l’image arrêtée et ta tenue. Cette preuve-là était plus… Inquiétante ? Tu soupires Ivy, non pas de la situation, mais parce que tu sais que tu vas avoir besoin de cette aide. Tu poses tes coudes sur ton bureau, ton front reposant sur la paume de tes mains. Tu souffles Ivy, tu forces ton palpitant à reprendre ce rythme doux et délicat habituel. Tu refoules la marée de ta rage, la forçant à reculer encore et encore afin de ne plus obscurcir ta pensée. « S’il te plait Ivy… » Tu relèves la tête croisant le regard de Jazz se tenait à l’entrée de ton bureau. « Il peut aider, tu le sais et tu en as besoin… Nous avons besoin… » Ta mâchoire se serre, quel était donc ce complot ? « Ton travail est de gérer ce club, laisse sa sécurité à ceux qui font ce travail… Tu sais qu’il me file les jetons et je n’ai aucune envie de voir tourner son aura maléfique ici mais… » Tu arques un sourcil face à son silence « Mais ? » Jazz soupire « Mais il y arrivera, et il te protègera… » Un rire s’échappe de tes lèvres « Jazz… Crois-moi… Ça n’est absolument pas dans ses attributions ! » Tu mets les documents dans le tiroir de ton bureau avant de te relever et d’ajuster ta tenue sous le regard perçant de ta comparse. Tu soupires marmonnant un « Très bien ! ». Elle te sourit et tu la vois disparaitre aussi vite qu’elle est arrivée.

Tu continues de soupirer. Il va être foutrement intenable après ta reddition. Tu détestes, tu hais cette sensation. L’entièreté de ton existence se résume donc à devoir toujours compter sur quelqu’un. Il y aura toujours un tiers pour venir superviser ton existence car tu es incapable de la mener à bien. Seule. Cette constatation t’écorche, te blesse, ouvrant cette plaie non suturée de ton âme. Tu replaces correctement tes cheveux, enfilant ton masque le plus neutre possible, camouflant cette amertume parcourant tes veines. Tu redescends dans la salle, Sven t’observe, ton regard croise le sien tu ressens cette question sous-jacente de savoir si tu vas bien. Jazz a dû être passée par le comptoir avant de filer dans les coulisses. Tu hoches légèrement la tête pour le rassurer. Tu rejoins ensuite Gadrel prenant place sur l’accoudoir de son assise, le bras sur le dossier, ton regard plongé sur la scène. « Réponds à ces questions et après on pourra parler affaire… » Tu suis les mouvements de la danseuse devant vous « Tu te retrouves dans la situation où tu dois choisir entre porter secours à Mikkel ou moi… Que fais-tu ? » Tu la connais la réponse Ivy, tu n’es pas dupe, elle est nullement innocente. « Comment te faire confiance pour gérer cela alors que potentiellement tu pourrais filer à l’anglaise ? » Question légitime non ? « Ensuite… Il est absolument hors de question que mon frère n’en sache quoique ce soit… Ta loyauté survivra-t’elle à ce choix imposé ? » Tu ne dérogeras certainement pas à cette volonté. « Enfin… J’en suis la cible, donc je pense que la solution la plus viable est que je serve d’appât. Des objections ? » Tes doigts viennent battre la masure de la musique, exécutant une danse légère sur le cuir du dossier.

Tu as posé tes questions Ivy. Tu ne sais si elles ont une réelle vocation à appuyer tes bases solides, ou si elles n’ont qu’un but dissuasif. Lui en faudrait-il beaucoup pour retirer son offre de la table ? Tu en doutais. Il s’agissait de Gadrel. Il pouvait souffler blanc un jour et noir le lendemain. Quiconque essayait de le suivre, finirait indubitablement dans une tourmente d’illogisme. Il se penche en avant entamant ses réponses. « Je choisirais Mikkel. Sans hésitation. » Un sourire esquisse tes lèvres, bien que tu n’en avais jamais douté. Si tu avais une certitude il s’agissait bien du fait qu’il donnerait sa vie pour ton frère, lui offrant une protection comme nulle autre pareille. Gadrel reste égal à ses principes. Toujours. « Ensuite… Je compte aller nulle part. » Pour l’instant te souffle ton esprit de doute. Mais qu’en serait-il s’il y avait une autre affaire retenant son attention ? Ce n’était point un jeu pour toi, ce club faisait partie de toi, de ton être, la plus belle chose que tu possédais sur la planète bleue. Il était premier dans ta liste des priorités, et tu savais pertinemment qu’il ne le serait certainement pas dans la liste du beau brun. Son dos vint retrouver le dossier, provoquant cette légère brise diffusant son odeur attirante jusqu’à tes narines. Tu lèves les yeux au plafond Ivy, serrant ta prise sur le dossier pour ne pas te laisser aller à ton imaginaire qui gratte à ta conscience. « Ma loyauté ira (…) je tiens à ma vie. » Tu ne peux réprimer un léger rire Ivy. Logique, défendable. Tu finis par soupirer Ivy. Ce semblant d’arrangement tend à être… Intéressant ? Disons qu’il ne lésait aucune des deux parties, il faudrait vous accommoder de certaines contraintes, mais il y en avait dans les deux camps. « Et pour finir… Ca ne me plaît pas… bien que tu aies raison. » Ton sourcil s’arque, ne s’attendant nullement à ce qu’il reconnaisse que tu avais raison. Tu t’attendais à un refus véhément et peut-être même une nouvelle pique quant à ton ego. « Je pense qu’on a un accord alors… » Ton regard continue de regarder, sans réellement voir, la danse passante.

« Il va te falloir une sécurité personnelle renforcée. » Tu sens que tu ne vas pas apprécier la suite, mais alors pas du tout. Tu détestes que l’on entrave ta liberté de mouvements et c’est exactement ce qu’il se passera. Non tu refuseras. Impossible. Il pourra énoncer tous les arguments qu’il veut, c’était hors limite. « Il existe deux options. Soit je laisse mon meilleur élément te servir de garde du corps. Soit je… » Soit il ? Tu ne présumais absolument pas de la fin de cette phrase, tu t’attendais à un autre choix encore pire que le premier te poussant à choisir la première option. Bien que tu ne fusses décider à céder à quoique ce soit. «  … soit je me charge de ta sécurité. » Les bras t’en tombent Ivy. Tu mets quelques secondes à te remettre de cette phrase. Non. Impossible. Ton esprit venait de se jouer de toi, exécutant un sale tour à tes facultés auditives. « Personnellement. » Tes doigts viennent effleurer ton collier, saisissant l’anneau aux divers éclats et tu les comptes. Mentalement. T’assurant de ta présence dans la réalité. Tu t’interrogeais Ivy, quel tour te réservait-il encore ? Il ne pouvait décemment proposer cela sans une contrepartie dont lui seul avait la clef ? Qu’y gagnait-il ? Tu savais pertinemment que s’amuser à assurer ta sécurité rapprochée n’était pas une mission « digne » de son rang. Alors pourquoi se l’infliger ? Délicatement ta main s’enlève du dossier pour venir se saisir de son menton le forçant à se tourner vers toi, que ton regard puisse sonder le sien. Une fois qu’il te regarde « Pourquoi toi ? » Tu relâches ta prise, ta main venant négligemment se poser au-dessus de son épaule, tes doigts effleurant sa nuque sans une volonté de ta part. « Je veux dire… » Tu soupires Ivy « J’aurais plus confiance en toi qu’en n’importe qui d’autre mais… » Ta conscience te hurle d’arrêter, d’accepter et puis de faire avec. N’était-ce pas là une occasion en or pour toi ?

Oui. Une bénédiction même. Pourtant tu te refusais à l’utiliser comme telle. Pourquoi ? Le jeu n’était-il amusant que lorsque tu étais la seule et l’unique instigatrice ? « Tu vas te faire chier ! » Finis-tu par dire, ne sachant réellement comment exprimer la tempête grondante dans ton esprit. Tu avais un mal certain à imaginer Gadrel suivant tes pas. Rien de trépident, rien de rocambolesque. Tu avais trois endroits, la demeure familiale, ton appartement et le club… Plus monotone il n’y avait pas. Et tu t’en contentais, tu observais tes rituels avec bienveillance, te donnant cette sensation de pseudo contrôle sur ton être. Ne pas céder, jamais à l’appel de ton esprit embrumé. Le contrer. Toujours. Tu ressens la course de ton palpitant qui s’éveille à cette pensée que tout ton quotidien risque d’être chamboulé par cette histoire. Ta prise sur les rênes de ton contrôle glissante entre tes doigts fins. « Rassure-moi… Ça ne sera pas… Tout le temps ? Sinon qui s’occupera de la surveillance de Mikkel ? » Tu étais peut-être égocentrique selon certains, mais jamais tu ne te ferais passer avant ta famille, tu préférais succomber,  mille fois même.

Tu ne saisis le sens réel de tes questions. Cherchais-tu à trouver une faille pour t’en extirper ou lui donner ce rôle ? Tu ne saurais le dire. Tu ne sais quoi penser de tes réflexions qui fusent à l’intérieur de ton crâne dans une cacophonie irritante. Que se passera t’il si vous veniez réellement à sceller cet accord ? Comment ce passera donc ton quotidien Gadrel à tes côtés ? Une part de toi apprécies cette perspective, mais une autre… Une autre s’y oppose te démontrant qu’ainsi il aura accès à tes moments privés. Il te verra dans cet autre environnement que celui dans lequel tu évolues habituellement. Ton masque s’étiolera laissant apparaître les fissures de ta psyché et l’étendue de l’appel de cette douce folie. Alors Ivy, tu sais que tu devras user de tes meilleurs stratagèmes afin que ces instants échappent à son œil perçant, qu’il continue de croire que tu es cette créature égoïste et séductrice avec un ego fortement surdimensionné. « Parce que je suis le plus qualifié et que je sais que tu auras sûrement une plus grande tolérance avec moi plutôt qu’avec un de mes subalternes. » Un sourire étire tes lèvres, tu dirais plutôt qu’il sera le plus à même de rétorquer à tes attaques et d’anticiper tes élans d’impulsivité. Mais soit tu le laisses parler de « tolérance ». Il se saisit de son verre dont il boit une gorgée et tu ne peux empêcher cette déviation de ton esprit quant à la scène s’étant déroulée précédemment. Tu ne devrais te laisser aller ainsi, ta frustration n’en est que plus irritée. «  De plus, Mikkel m’en voudrait si je ne me chargeais pas personnellement de ta sécurité. S’il t’arrive quoique ce soit… Il ne me le pardonnerait pas. » Tu hoches la tête peu encline à débouter cet argument d’une validité incontestée. Toujours et uniquement pour ton frère. Logique. Tu grimaces légèrement cependant car tu as beau tout mettre en œuvre pour que cette affaire passe sous silence… Il le saura. Qu’importe le temps il finira par l’apprendre et là Ivy… Tu riras bien moins. Mais tu n’en étais pas là et tu affronteras cette angoisse pour plus tard. « Malheureusement, au début du moins (…) le cas échéant.  » Ne pas t’aventurer sur cette invitée de marque. Tu le refoules au fin fond de ton esprit, ne souhaitant pas aborder ce sujet épineux. Choisis plutôt d’y voir une bonne aubaine ? Tu t’en contenteras. « Je te promets d’essayer de bouffer le moins possible ton oxygène.  » Un fin rire t’échappe. Comme si tu t’attendais à ce qu’il se tienne assez proche de toi pour y respirer le même air. Tu étais persuadée qu’il ne voudrait cette surveillance rapprochée qu’à se tenir bien à distance de ta personne. « J’essayerais de respecter tes consignes… Le plus possible… » Plaisantes-tu légèrement. Tu essayeras. Peut-être… Si tu y penses… Ton impulsivité est si impétueuse et imprévisible… « Marché conclu ? » Tu le sens au plus profond de toi que c’est une mauvaise idée. La meilleure des pires certes, mais mauvaise tout de même… Surtout pour toi…

L’avantage de ne connaître une personne que substantiellement c’est que l’on n’était nullement obligé de se découvrir. On pouvait se contenter d’offrir ce visage que l’on donne à tous en préservant son véritable être. Caché. Dissimulé. Bien à l’abri du jugement et des critiques. Tu ne veux te découvrir Ivy. Tu ne veux non plus qu’il aperçoive l’entièreté de ton existence car ton frère en aurait l’écho du moindre centimètre. Tu l’aimes ton frère, tu donnerais ta vie pour lui car il t’avait sauvé. Littéralement. Mais tu le tenais écarté, d’une certaine manière, de pans de ta vie. Non pas par pudeur, mais par cette once de fierté. Tu n’as toujours pas répondu Ivy… Marché conclu ? Tu laisses s’égrener les secondes, ton regard se portant sur un point fictif de l’horizon. Il te faut donner une réponse. Ton choix. Sa proposition mais ton choix. En était-ce réellement un ? Il avait un goût d’ultimatum quelque part. « D’accord… » Laisses tu échapper faiblement sans vraiment croire qu’il s’agissasse là de la meilleure option. Mais tu n’avais mieux à proposer. Tes doigts s’agitent contre sa nuque au rythme de la musique, inconsciemment. Tu prends une inspiration Ivy. « Bon… Tu voulais tout en détails non ? » Tu essayes d’organiser le tout chronologiquement. « Les attaques ont commencé il y a quelques semaines… Au départ on pensait tellement à un chien avec ou sans la rage on ne savait pas trop… » Tu hausses les épaules. « On a mis des caméras en plus et on s’est aperçu que non… On s’est aussi rendu compte que l’on était passé à côté des premiers mots. » Tu t’en voulais d’avoir tardé autant à les trouver. « Il ou elle arrive toujours à trouver un angle mort on a jamais réussi à découvrir avec quoi il ou elle assommait ses victimes. » Frustration énorme. « Et quand elles se réveillent elles ont cette marque ensanglantée… Je n’arrive pas à comprendre… » Tes doigts cessent de jouer la musique. « J’essaye de dégager un axe, quelque chose… Mais je n’arrive pas à comprendre le but de tout ça ! » Tu as cherché pourtant Ivy. « Et maintenant cette photo… Je vais être honnête… Je voudrais qu’il s’en prenne à moi. Que je puisse lui rendre la pareille. » Tu n’en as nullement peur Ivy, tu es furieuse.

Ne serais-tu pas dans les mieux placés pour comprendre le schéma d’un esprit dérangé ? Tu y as cru… Mais il te manque des éléments. Trop d’éléments. Tu avais eu beau recueillir les témoignages des uns et des autres rien ne transparaissait. Pas un seul élément probant auquel se raccrocher. Tes méninges ne cessaient leurs activités, pas même pour te laisser accéder au repos. Tu voulais trouver. Tu trouverais. Tu ne pouvais te résoudre à juste subir et attendre que cela passe. La passivité ne faisait pas partie de ton vocabulaire. Jamais. « Il ne sert à rien d’essayer d’entrer dans les pensées d’une personne avec des troubles mentaux ou une obsession maladive. Ça ne t’apporterait que la confusion. Crois-moi, je sais de quoi je parle. » Ta respiration se coupe quelques secondes et tu te satisfaits de l’obscurité vous entourant te protégeant de son observation. Il savait de quoi il parlait ? Tu partais sur la déduction qu’il avait dû en côtoyer, ou en traquer même. Mais toi… Toi tu savais de quoi il parlait parce que tu le vivais depuis des années. Le mot obsession t’évoquait ton quotidien hélas. Ta main libre retourne jouer avec ton pendentif en forme de dahlia accroché à ta nuque. Tu finis par hausser les épaules. « Parfois il y a une certaine logique… Au moins il y a un élément déclencheur et une finalité ! » Tu freines des quatre fers à parler de santé mentale. Tu en ressens toujours une perpétuelle angoisse faisant augmenter ton rythme cardiaque. Tu arrivais si bien à donner le change que tu n’avais jamais été inquiétée. Qui te soupçonnerait ? Mais il suffirait d’une fois… Une faute. Un dérapage. Tu dois te ressaisir Ivy. Ce n’était pas toi. Et si ça le devenait ? Tu serres la mâchoire chassant cette pensée désagréable. « Tout ce qu’on peut deviner, c’est « qui » il cherche à atteindre : toi. Tu es sa cible, indéniablement. » « Moi ? Pourquoi moi ? » Tu trouves cette théorie totalement ridicule.

Qui voudrait faire de toi sa cible ? Et dans quel but ? Certes tu les avais lu ces mots détaillants ce que « le loup » comptait faire à ton enveloppe charnelle. Te pensait il chaperon rouge à docilement croire à ses déguisements et douces paroles ? Pauvre petit animal. Non. Il devait y avoir une autre solution. « Il mutile tes employés. (…) d’une façon ou d’une autre. » « Réjouissant… » Soupires-tu. D’accord ses arguments tenaient la route, bien sûr tu ne saisissais toujours nullement pourquoi faire de toi son obsession. Le côté interdit sans doute ? Sœur du parrain de la mafia. Peut être était ce plutôt un simple geste d’un gang rival ? Non ils ne seraient pas aussi idiots. Une brebis galeuse peut être ? Tu commençais à avoir mal à la tête Ivy ! Tu voudrais trouver une autre explication. Vraiment. Tout sauf cela. Tu essayes encore. Et encore sans résultat, te forçant à embrasser l’évidence qu’il avait sans doute raison. Un frisson vint lécher ton épiderme. Est-il présent dans cette même pièce ? Est-il dans tes rangs ? « J’aimerais éplucher le dossier (…) sont les véritables alliés. » Sa remarque fait écho à tes pensés dans une synchronicité étrange. Troublante. « Tout est sur mon ordinateur à l’appart. Mais tu n’auras rien ni sur Sven ni sur Jazz. Non négociable. » Il allait devoir s’en remettre à toi sur tes deux généraux. Tu ne le laisserais pas plonger son nez dans leurs vies. Tu n’avais aucun doute sur leur loyauté et le fait qu’ils étaient tes meilleurs alliés. « Je vais également renforcer discrètement la sécurité. Rien qui ne troublera ton établissement, ne t’en fais pas. Toi-même, tu ne remarquerais pas qu’ils ne sont pas des clients si je ne te le disais pas. » Tu commences par soupirer Ivy, encore plus de sécurité… « Très bien… » Te résignes-tu. Tu lui fais confiance. Dans une certaine mesure. Comme Jazz l’avait souligné : chacun son travail.


Le doux sentiment de ton incapacité à te débrouiller seule revint chatouiller ta conscience. Se rappelant à ta mémoire que tu n’étais pas si différente de cet adolescente camée vaquant de draps en draps, que Mikkel avait secouru. Cette pensée te fait signe de la main, t’appelle à elle. Toujours. « Quant à « nous » » Ton attention vrille immédiatement sur le brun ténébreux. Tu es toute ouïe Ivy, te demandant ce qu’il compte t’en dire. La façon dont il voit ce « nous ». « il vaut mieux (…) particulièrement exigeant. » Brillant… Étonnement brillant. Il venait de fournir un alibi valide. Justifiant les longues nuits aux côtés l’un de l’autre ou à s’enfermer dans ton bureau. Tu profiterais sûrement de ce moment pour récupérer des heures de sommeil loin de l’agitation nocturne. « S’il pense que (…) tôt ou tard. » Ton regard se baisse vers Gadrel ne sachant comment réagir. Il te donnait la permission de continuer ton jeu sur lui ? Vraiment ? Comme s’il ne s’agissait que d’un rituel du genre croque monsieur le jeudi soir ! Tu regardes tes doigts à proximité de sa nuque, tu les fais bouger venant les glisser légèrement au travers de ses cheveux que tu peux atteindre. Tes yeux azuréens s’accrochent au siens. « Tu penses que tu arriveras à supporter cette proximité ? » Tu esquisses un sourire avant de glisser de l’accoudoir pour te retrouver assise, en travers, sur ses genoux, tes jambes s’allongeant afin de reposer sur le deuxième accoudoir. « Je pense que je peux continuer à être persuasive… » Tu pourrais en faire plus Ivy, tellement plus. Cependant tu préfères calmer le jeu donnant le change avec un strict minimum, ne voulant rompre cet accord fragile dès les premiers instants. Tes doigts continuent de jouer dans ses cheveux avec ravissement. « Je m’interroge… Tu comptes dormir où exactement ? Parce que si la réponse est à la maison… Va falloir trouver une sacré bonne excuse pour Mikkel ! » Lui qui voyait tout, contrôlait tout.

L’Homme est un animal. Quoi que l’on puisse en dire quoi que l’on puisse faire, il restera ce prédateur en haut de la chaîne alimentaire. Certains en avaient pleinement conscience assumant ce double obscur, primaire. Justifiant leurs actes par cet instinct ancestral. Y avait-il un lien avec ce mystérieux intrus ? Choisir le loup en tant que représentation n’était pas innocent tu en étais sûre. Tu espérais Cependant qu’il soit plus loup solitaire que loup en meute… Sait-on jamais ! « J’ignore quelles sont ses motivations. » Il avait autant de piste que toi et tu ne saurais si tu devais t’en réjouir ou non. Si même lui n’avait une idée, tu ne risquais nullement de trouver un prémisse de réponse. Certes il avait tissé un lien te mettant au centre de cette toile d’araignée, alors que toi… Jamais tu n’aurais pensé à cela. Tu n’étais peut être pas si égocentrique finalement… Tu le vois son froncement de sourcil à ton interdiction de fouiller dans le passé de tes deux acolytes. Monsieur est indisposé de ta réponse ? Il n’aurait qu’à s’y faire ! Tu voulais bien faire des efforts, t’adapter le mieux possible mais il allait aussi devoir prendre quelques requêtes en considération. Intransigeante. Tu le reconnais tu prends son silence pour une victoire. Pourtant tu le sais qu’il ne faut pas le sous-estimer. Tu le sais qu’avec lui rien n’était acquis. Tu aurais du te méfier, rester sur tes réserves. Excès de confiance. Erreur de débutante. Tu retournes bien assez vite à la proximité de son être. L’électricité est légère, pas aussi étouffante que lors du premier round de la soirée. Les révélations nocturnes ne se prêtant guère à un retour à la normale. En quelque sorte. Une sorte de demi-teinte, tu t’appliquais à donner un change raisonnable, y trouvant ton compte quelque peu. Ton regard se perd dans le sien y cherchant une quelconque émotion… Rien. Niet. Pas même un léger frémissement. Le parfait mur de glace. Pourtant tu observes Ivy, le peu de distance entre vous te permet de détailler son visage avec précision. Tu ne pourrais le nier tu voudrais y déceler un tout petit quelque chose. Aussi minuscule soit il. Mais force est de constater que la seule chose que tu récoltes est l’agacement. Pas de quoi exulter…

« Je dormirai à proximité de toi, avec un certaine distance tout de même, peu importe que tu sois à ton appartement, dans ton bureau ou au beau milieu d’une forêt. » Au beau milieu d’une forêt ? Tu arques un sourcil amusé. Le loup l’avait-il donc inspiré ?  « Quant à Mikkel, (…) ma présence à tes côtés. » Logique. Encore. Décidément cette excuse allait être servie à toutes les sauces. Autant l’user et que les informations qui fuiront trouveront une convergence commune. Qu’importe qui sera interrogé, ce nouveau club fictif serait sur toutes les lèvres. Brillant. « Je suis rassurée que tu me laisses au moins l’intimité de mes nuits… Je voyais assez mal expliquer à mes conquêtes nocturnes ta présence dans la pièce. » Bien sûr qu’il ne réagira pas, tu en es persuadée Ivy, mais tu essayes. Que cherches-tu exactement ? Une once de jalousie ? Impossible. Tu n’avais pas cet effet sur lui, tu ne l’aurais jamais. Tu te demandais s’il était même capable d’en ressentir cette émotion. Peut être si ton frère était au centre ? Possible. « Cela dit, (…) et la méthode utilisée. » N’aviez-vous pas déjà résolu ce sujet ? Tu le pensais. Tu t’étais trompée. Il revenait à la charge. Tes doigts cessent leurs mouvements, tu es exaspérée Ivy. La concession le compromis ne connaissait-il pas ? Ou simplement n’y était-il pas enclin parce que tu étais en face ?

Son jeu avec ton verre t’agace. Tu l’attrapes d’un coup venant faire glisser la fin du liquide coloré au fond de ta gorge et reposant le récipient vide sur la table à proximité. « J’entends tes arguments… » Ils t’écorchaient la peau. Il ne te proposait pas un choix il te l’imposait. Il te faisait miroiter en premier lieu qu’il ne s’agissait que de conseils, continuant en tirant sur une corde sensible et finissant par te mettre devant le fait accompli. Que tu dises oui ou non il obtiendra ce qu’il veut. Voilà le résumé de sa tirade. Déplaisant. Irritant. « C’est non ! » Oui tu l’as entendu. Non tu ne veux accéder à sa requête. « Je ne doute pas que tu trouveras mais avant cela tu vas perdre du temps. Beaucoup de temps. Un temps précieux qui pourrait te faire passer à côté de quelque chose de plus important… Je ne suis pas persuadée que cela soit la meilleure orientation à prendre. » Factuel. Il avait des arguments certes, tu n’étais point en reste. Tu côtoyais le monde des affaires depuis assez longtemps pour t’être forgée ton esprit de contre argumentation et négociation.  Négociation… Une idée arrive de ton esprit amusé. Tes doigts recommencent à bouger entre ses cheveux et sa nuque. « Ces informations sont précieuses… Donne-moi quelque chose à valeur équivalente et tu les auras. » Tu lui laissais le choix des armes et tu te réservais le droit de les accepter ou non. Ouh que tu allais le lire l’agacement sur son visage tu pourrais en mettre ta main au feu. Tu doutais sur le fait qu’il abandonne la partie. Tu l’avais dit tu le pensais il finirait par trouver quelque chose à n’en pas douter… Mais qu’importe, ce qu’il arriverait à trouver comme informations elles ne seraient jamais aussi précises que celles que tu avais.