La tempête avait été annoncée. L’œil du cyclone se retrouverait rapidement en plein centre de Seattle et l’ensemble des pompiers de la ville avait été mobilisé afin de venir en aide à la population. Les différentes casernes s’étaient vu attribuer des quartiers, permettant ainsi de couvrir un maximum de zones avec une efficacité des plus élevées. Le but était simple : faire en sorte que le nombre de victimes soit le plus bas possible, que les dégâts ne se chiffrent pas en millions de dollars et que la ville et ses habitants ne se retrouvent pas submergés par les trombes d’eau venant du ciel. Le côté matériel importait peu à Liam en réalité. Lui, ce qu’il voulait surtout, c’était de mettre toute trace de vie en sécurité. Il venait de passer les derniers jours à faire de la prévention, à passer de maison en maison pour s’assurer que les consignes avaient été claires, comprises et mises en œuvre ! Une bonne préparation était la clé de tout, l’organisation et l’anticipation ne devaient en aucun cas être mises de côté. Issa était un ouragan impressionnant, imposant, il fallait pallier à toute éventualité et ne rien laisser au hasard. Mais, l’étude météorologique n’avait jamais rien eu d’une science exacte, et la tempête venait de s’abattre sur la ville avec plusieurs heures d’avance par rapport aux prédictions, et beaucoup de personnes s’étaient fait surprendre. Certains étaient en train de terminer les préparatifs, d’autres faisaient des courses de dernières minutes, tous faisaient en sorte d'être prêt à se mettre à l’abri avec le nécessaire pour pouvoir vivre ces heures – ou jours – délicates du mieux possibles. Le temps avait viré trop rapidement, le ciel était passé de gris à noir en l’espace de seulement quelques minutes, la légère brise de ce mois de novembre s’était transformée en une fraction de seconde en bourrasques gigantesques. Par chance, la pluie ne s’était pas encore mêlée à cette danse catastrophique, laissant un peu de répit à ceux n’étant pas au chaud, en sécurité chez eux ou dans un refuge mis en place.

L’équipe dont Liam faisait partie était sur le terrain depuis le début de la matinée, le jeune homme s'était assoupi deux petites heures à la caserne alors qu’il était revenu de sa mission de la veille avec du retard, ses coéquipiers et lui refusant de rentrer avant d’avoir terminé de sécuriser une maison de retraite. Le travail accompli, les personnes âgées avaient pu dormir sur leurs deux oreilles et elles pourraient sans aucun mal traverser l’épreuve d’Issa, tranquillement installées dans la salle commune, avec lits de fortune, victuailles en pagailles, réchauds en nombre suffisant et surtout, aucun risque de voir le toit s’arracher ou l’eau s’infiltrer sous les portes. Tout avait été pensé, chaque résident aurait le bonheur de retrouver sa descendance une fois cet épisode compliqué derrière lui. Sur la route du retour, l’un de ses collègues s’était inquiété pour sa femme et ses enfants, et un seul coup d’œil en direction de son supérieur avait suffi à Liam pour faire pivoter le volant et prendre le chemin de son quartier. Ses camarades et lui avaient profité de ce détour pour vérifier que les habitants de l’immeuble et des environs avaient suivi les conseils donnés par la ville. Le jeune homme s’était vu offrir un cookie par une jeune blondinette d’une dizaine d’années alors qu’il avait frappé à sa porte, et ses grands yeux verts qui le regardaient, lui avaient immédiatement fait penser à sa fille. C’est pourquoi, à peine avait-il posé ses fesses dans le camion rouge et blanc, qu’il prit le temps d’envoyer un message à la mère de la petite avant de démarrer pour enfin prendre la route du dépôt. Ce dernier avait été réquisitionné afin d’être transformé en un lieu où ceux n’ayant pas un abri suffisamment sûr pourraient venir se réfugier, alors le pompier avait à noveau aidé afin d’organiser au mieux le bâtiment. Ce n’était qu’après cette dernière tâche, qu’il avait pu fermer les yeux, assis dans le canapé de la salle de repos. Le réveil avait été tonitruant. Les alarmes avaient retenti, le faisant sursauter en lui intimant de se dépêcher, et il ne lui avait fallu que deux ou trois minutes afin d’enfiler à nouveau sa tenue, ses bottes et son casque avant de se mettre à l’arrière du véhicule qui sortait tout gyrophare tournant !

Ils étaient rapidement arrivés sur place, sur le campus de l’université de Washington, où un feu avait commencé à la suite de câbles électriques sectionnés par le vent. Des étudiants ainsi que des professeurs s’étaient réfugiés à l’intérieur des bâtiments universitaires, alors que d’autres s’entraidaient encore à l’extérieur, bravant le danger, luttant contre la tempête. Les hommes en uniformes s’étaient mis au travail, Liam s’attelant à la tâche qui lui avait été confiée, tirant l’énorme tuyau jaune jusqu’à la borne à incendie afin d’ouvrir le précieux liquide pour ses camarades. Lorsqu’il eut ouvert le robinet pour libérer l’or transparent, il soupira de soulagement avant de courir à nouveau en direction des flammes, mais il fut stoppé dans son élan par une voix qu’il connaissait bien.

« Hannah ? Mais bon sang, qu’est-ce que tu fabriques ici ? Va te mettre à l’abri ! », le vent sifflait autour d’eux, tellement que Liam doutait que la jolie rousse ait pu entendre l’intégralité de ses paroles. Tant bien que mal, il se rapprocha d’elle, déposa ses mains sur ses épaules avant que ses yeux ne la scrutent de haut en bas, « Tu vas bien ? ». Son regard inquiet s’attarda sur des blessures et tandis qu’il jetait un coup d’œil par-dessus son épaule en direction de ses coéquipiers, ses jambes avançaient déjà en direction des bâtiments, les guidant, son amie et lui vers un endroit plus sûr. Il capta le regard de son chef, ce dernier dodelina de la tête, lui donnant l’autorisation – l’ordre – de mettre la demoiselle à l’abri, les civils étaient les plus importants, les soldats du feu étant suffisamment nombreux pour lutter contre les flammes. « Suis-moi, tu ne peux pas rester ici. », attrapant la main d’Hannah dans la sienne, il plaqua le corps de la jeune femme contre son torse afin de la protéger du mieux possible des débris virevoltants autour d’eux, et il s’efforça de fendre le vent aussi vite que possible.  

Hannah, comme beaucoup d’autres, s’était faite surprendre par l’arrivée anticipée d’Issa. Les météorologues devraient apprendre à donner des prévisions plus ajustées ! La précipitation soudaine des habitants dans un cauchemar fait de bourrasques et de pluies diluviennes rendrait le travail des sauveteurs plus périlleux, plus important et nettement moins serein que ce qui était prévu. Ils avaient pourtant tout mis en œuvre pour que tout se déroule pour le mieux, mais il avait suffi de quelques petites heures d’avance pour plonger Seattle dans un merdier sans nom. La jolie rousse tenta de le rassurer sur la blessure qu’il pouvait voir sur son avant-bras, mais il ne fit que froncer les sourcils alors qu’elle abaissait sa manche, « Il va falloir s’occuper de ça. ». Il réfléchissait déjà à ce qu’il devait faire pour panser la plaie, et dans un premier temps, il lui faudrait savoir exactement comment elle se l’était faite. Les brûlures liées à son activité professionnelle ne se traitaient pas de la même manière, mais pour l’heure, le plus important était de la mettre à l’abri. Parcourant les lieux du regard afin de faire un point sur la situation, il fut soulagé de voir son supérieur penser comme lui et lui indiquer de s’occuper de la jeune femme. Les civils étaient la priorité, le pompier reviendrait soutenir ses coéquipiers dès que tout ce petit monde serait au chaud.

Concentré sur ce qu’il avait à faire, cherchant une solution, un endroit adéquat où se rendre, Liam n’écoutait pas ce que lui disait la jeune femme. De toute façon, même s’il avait entendu le début de sa phrase, il n’en aurait rien eu à faire et serait resté auprès d’elle. Il n’agissait pas de la sorte parce qu’il la connaissait, il aurait fait exactement la même chose pour un parfait inconnu. C’était dans son sang. Du plus loin qu’il s’en souvenait, il avait toujours été le genre de personne à venir en aide aux autres, et ce, même pendant les heures les plus sombres de son existence. S’il y avait bien une chose qui n’avait pas changé depuis qu’il était tout gamin, c’était celle-ci. Chaque être humain est important, chaque âme compte. Et bien qu’il ait failli lui-même s’auto détruire à coups d’opiacés ou de drogues diverses et variées et qu’aujourd’hui encore, il n’hésite pas à jouer les têtes brûlées, ce mantra vaut pour toutes les autres vies qui se trouvent sur cette terre.

Le vent s’était intensifié, les objets volaient au-dessus de leurs têtes et tandis que Liam essayait de protéger du mieux possible son amie en faisant barrage de son corps, il lui répondit dans un sourire rassurant, sans quitter le bâtiment des yeux, « Hannah, tu es blessée et en plein milieu d’une tempête alors ce n’est pas vraiment le moment de théoriser sur les plausibles autres urgences. ». La pluie venait de se joindre à ce ballet déjà désastreux, rendant leur avancée plus compliquée. Lançant un coup d’œil inquiet par-dessus son épaule, se disant que si le déluge s’abattant sur eux ne facilitait pas leur tâche, celui-ci serait un renfort pour ses collègues. En parlant de ces derniers, d’autres hommes en uniforme avaient été envoyés pour venir en aide aux quelques personnes se trouvant encore dehors, et Liam en fut soulagé, « Ce n’est pas la peine de t’inquiéter pour les autres, on s’occupe d’eux. ». Il était obligé de crier pour parvenir à se faire entendre, pourtant malgré le brouhaha qui les entourait, l’air qui sifflait autour d’eux, une faible voix qui n’était pas celle d’Hannah était parvenue jusqu’à ses oreilles. Sa tête pivota de gauche à droite, puis de droite à gauche à la recherche du propriétaire alors que ses pas continuaient à les conduire vers leur objectif, un édifice universitaire dont le rez-de-chaussée était entouré d’un préau de la largeur d’un couloir. Une fois celui-ci atteint, il desserra son étreinte pour libérer son amie et planter son regard dans les jolis yeux verts de la jeune femme, « Hannah, trouve une porte ouverte. Entre dans la salle et surtout ne reste pas proche des fenêtres, s’il y a un débarras dans la pièce, vide-le pour t’assurer que rien ne puisse tomber d’une étagère et installe-toi à l’intérieur, tu y seras plus en sécurité que dans une pièce immense. ». Il n’était pas rassuré de devoir la laisser se débrouiller seule pour trouver un abri, mais il avait entendu un appel de détresse et il ne pouvait pas le laisser sans réponse. « Il y a quelqu’un qui a besoin d’aide. Il n'est pas loin, alors je le retrouve et on te rejoint, ok ? Ça va aller ? », il lui dédia un nouveau sourire rassurant alors qu’il s’éloignait déjà en faisant quelques pas en arrière, la pluie venant s’écraser sur son visage.  

Il avait levé les yeux au ciel, secouant en même temps la tête dans un geste purement désespéré. Hannah avait vraiment le cœur à faire de l’humour ? Cela dit, cette histoire de casserole lui avait également tiré un léger sourire en coin, mais ce dernier avait rapidement pris ses jambes à son cou sous la pluie torrentielle qui s’abattait sur eux soudainement. Liam avait jeté un œil par-dessus son épaule afin de s’assurer que la situation était un tant soit peu maîtrisée par ses collègues, et voir les flammes engendrées par le pylône électrique faiblir le rassura, tout comme constater que d’autres pompiers avaient été envoyés pour secourir les quelques passants encore dehors. Il allait pouvoir pleinement se concentrer sur sa tache qui consistait à mettre la rouquine, plus tête de mule qu’un âne buté, à l’abri du déluge en court et de la tempête annoncée, qui, à coup sûr, allait continuer à s’intensifier. « Exactement. Je ne te lâcherai jamais. », et jamais, voulait littéralement dire jamais, pas uniquement en cas d’ouragan ! Liam ne pouvait pas se targuer d’avoir des amis à foison, beaucoup l’ayant purement et simplement mis de côté lorsqu’il était tombé malade. Sans doute, était-il devenu nettement moins amusant sous la fatigue du traitement, et sentir la mort approcher de trop près un être avait toujours eu tendance à en faire fuir certain… Pour ceux qui étaient restés, une grosse poignée avait naturellement déserté sa vie en le voyant s’enfoncer dans un monde d’euphories et de rêveries invisibles à sa sortie de l’hôpital. Il ne leur en tenait pas rigueur, rester ancré à un boulet refusant de sortir la tête de l’eau, revenait presque à s’infliger une noyade collective, et honnêtement, il préférait les savoir hors de danger, loin de lui et de ses propres démons que de les entraîner dans les bas-fonds. Alors ses amis, anciens ou nouveaux, il en prenait soin, les bichonnait du mieux possible, c’était pour lui comme un joyau, une bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher, car désormais, il faisait en sorte de ne plus être un poids mort pouvant les faire chavirer à tout moment.

Parvenant à fendre le vent, luttant contre les bourrasques, ils étaient parvenus jusqu’au bâtiment. Liam avait donné quelques instructions à son amie, espérant qu’elle les suivrait en mettant de côté son éternelle envie de n’en faire qu’à sa tête ! Puis, il avait rebroussé chemin, car sur le trajet les menant à l’abri, était parvenu à ses oreilles un appel à l’aide. La voix avait été faible au travers du tumulte qui se jouait à l’extérieur, et lorsqu’il tomba sur une jeune femme, qui devait être à peine âgée d’une vingtaine d’années, il comprit rapidement que cela n’était pas simplement dû au brouhaha environnant. Se rapprochant de l’inconnue, Liam s’était agenouillé à sa hauteur tout en observant l’étendue des dégâts. Il lui dédiait un sourire rassurant à chaque fois que son visage se tournait en direction du sien, mais sa risette disparaissait à l’instant même où ses yeux se déposaient à nouveau sur sa jambe coincée. Concentré, ses paroles étaient parfaitement contradictoires avec son regard inquiet, mais il n’en montra rien à la demoiselle, se disant que parfois, la vérité n’est pas bonne à dire, elle peut s’avérer contre-productive, et de toute manière, la voir paniquer n’arrangerait en rien la situation.


Environ une heure quinze plus tard.

« Hannah ? Hannah, tu es là ? », essoufflé, énervé, presque abattu, le pompier appuyait sur chacune des poignées de ce fichu couloir à la recherche de son amie. Dehors, c’était le chaos. Un enfer météorologique comme il y en avait certainement rarement eu sur Seattle. Son cœur lui donnait l’impression de vouloir s’échapper de sa poitrine, il avait envisagé, le temps d’une seconde, de se laisser submerger par sa frustration, mais rapidement, son esprit s’était à nouveau focalisé sur la danseuse. Avait-elle trouvé un lieu sûr ? Était-elle réellement à l’abri et pourrait-elle le rester durant les heures difficiles qui allaient suivre ? Il avait besoin d’en avoir le cœur net, alors, il avait regardé une dernière fois le corps inerte de celle qu’il n’était pas parvenu à sauver, avait ravalé les sanglots qui menaçaient de s’échapper de sa gorge et Liam avait bondi en direction du bâtiment universitaire sans se retourner. Il aurait bien le temps de s'en vouloir et de se maudire plus tard, pour le moment, il y avait plus urgent à faire.

La clenche d’une porte venait de s’abaisser. S’engouffrant à l’intérieur de la pièce, il en venait à prier pour tomber nez-à-nez avec sa rousse préférée, pourtant, Dieu et lui n’était pas franchement en très bons termes, mais un peu d’espoir en période sombre, ça ne pouvait pas faire de mal ! « Hannah ? », il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit, il avançait en tâtonnant, ses pieds heurtant des objets, ses pensées encore un tantinet accaparées sur l’horrible échec qu'il venait de subir, Liam eut une subite envie de planer, comme pour oublier cette satanée journée.



HRP : So sorry pour l'attente ! Les fêtes ont eu raison de moi... J'espère que cette suite te conviendra !