Je vais vous raconter une histoire, pas la mienne, mais celle de mon fils, Galahad, mon doux et précieux petit prince. Mais pour le comprendre, vous devez aussi connaitre sa famille.

A la base, je n'étais qu'une fille de fermier, pas très intéressante, pas la plus jolie, mais avec un certain charme d'après certains. La famille Benezia était connu tel le loup blanc dans le coin. D'après mon grand-père, cela faisait des générations qu'ils vivaient ici, leur exploitation prenant un peu d'ampleur, décennie après décennie. Par la force des choses, je fus envoyé travailler dans leur ranch. Disons qu'il payait plutôt bien et que mon père avait du mal à joindre les deux bouts avec notre petite ferme, une rentrée d'argent supplémentaire n'était donc pas de trop. J'y étais réticente, travailler pour la concurrence me donnait l'impression de trahir les miens, mais mon père me l'avait demandé. C'est là que j'ai rencontré Gordon, l'homme qui devint plus tard mon mari. Un personnage assez rude et déjà bien abimé par la tâche de son travail. Plutôt inaccessible au premier abord, je suis tombée sous son charme, pauvre de moi ! Sa famille bien plus puissante que la mienne rachetait les lopins de terre et la ferme familiale y passa. Je pensais que c'était bien, ceci permettait d'unir nos deux familles et de faire disparaitre les problèmes des biens, bien que mon père refuse de travailler pour, je cite, "ces ordures de Benezia". A l'époque j'étais aveuglé par l'amour, incapable de voir la noirceur de cette famille...

J'ai ainsi eu huit merveilleux enfants avec Gordon, six garçons et deux filles. Ils étaient mon bonheur, mon petit paradis, mais aussi tellement pratique pour me tenir loin des affaires familiales ! Les Benezia n'ont jamais eu aucun scrupule quand il s'agissait des affaires. Leur but était de s'étendre, de créer un empire et surtout d'être encore plus riche. Par chez nous, on entendait une rumeur qu'on peut qualifier de légende, comme quoi cette famille aurait tué pas mal de personnes pour obtenir ce qu'elle veut, on parle de disparition également, mais rien n'est avéré, de simples murmures sans preuve... vous savez, les gens aiment dire tout et n'importe quoi. Toujours est-il, que je sais quel l'intimidation était un moyen de pression très aimé de mon beau-père. Aller chez les gens, les menacer, surement même les frapper pour les obliger à céder leur terre pour une bouchée de pain.

Mes enfants ont hélas dû tremper la-dedans. J'avais beau être leur mère et les protéger, je voyais que leur grand-père et leur père ne les ménageaient pas et leur inculquait des valeurs que je ne trouvais pas vraiment morale. Albert, Chris et Léon, mes garçons les plus vieux et en âge d'aider subissait une sorte de mini lavage de cerveau, un endoctrinement qui me faisait peur. Et dans mes bras, je détenais mon petit dernier, Galahad, parfaitement innocent et si doux. Je me suis dit que je ferais tout pour le protéger des griffes de son père. Ainsi, je lui ai appris la politesse, les valeurs, le bien, le mal et dans un maigre espoir d'éveiller quelque chose en lui, je lui ai parlé de Dieu. Je ne suis pas particulièrement croyante, mais à présent, je n'avais d'espoir quand ce dernier pour m'aider. Je suis ridicule, je vous l'accorde, mais je n'aimais pas ce que je voyais chez mes autres garçons.

En grandissant, Galahad c'est montré plus rebelle et têtu que ses frères. Il semblait avoir une conscience ! Mais mon mari n'était pas de cet avis, il l'a par moment frappé, des punitions physiques dans l'unique but de le faire entrer dans "le droit chemin". A de nombreuse reprise, j'ai voulu m'interposer, mais de nouveau enceinte, je craignais pour mon nouveau bébé. Si vous saviez combien j'ai pu pleurer... Et mon petit bout qui venait me voir, la peau rougie, parfois ensanglanté pour me réconforter. Il savait... il savait que je m'en voulais de ne pas pouvoir le protéger comme je le désirais, mais ne m'en voulait pas, il me pardonnait et ça me détruisait. Je le sais, j'aurais dû quitter Gordon, loin d'être un homme parfait, le simple fait qu'il puisse lever la main sur mes enfants me terrorisait. Pourtant... j'ai honte, mais je l'aimais. Jamais il n'a levé la main sur moi et je sais que son père n'a jamais été tendre avec lui, que lui aussi avait le droit au coup de ceinture et chaque fois que je lui demandais de ne plus frapper les garçons, il me disait qu'il le ferait et telle une idiote, je le croyais...

Les années ont passé, j'ai eu quatre autres enfants et mon petit Galahad a grandi. Ce dernier qui était si doux, compatissant et altruiste avait changé à présent. Très à l'écoute de son père, il passait la plupart de son temps avec lui à s'occuper des bêtes ou dans les champs. Beaucoup plus fermé qu'avant, son sourire se faisait de plus en plus absent. Mon mari prévoyait de grandes choses pour lui, pour une raison inconnue, il voyait en lui l'avenir de la famille. "Il me ressemble" c'est ce qu'il me disait et plus je l'entendais, plus j'arrivais à m'en convaincre, c'est pour ça que Galahad était si spécial à mes yeux. Oui, en lui, je voyais Gordon, ce que j'aimais chez lui, mais j'y voyais aussi le bon, ce qu'il avait abandonné et qu'il était en train de détruire chez son fils.

Alors que les affaires allaient plus que bien pour nous, l'Empire Benezia étant à présent connu partout dans l'état et ceux autour, je suis tombée malade. Alzeimer m'a frappé et petit à petit je ne suis devenue que l'ombre de moi-même. C'est Galahad qui a été le plus souvent là, à voir mon état se dégrader et c'est lui que j'ai hélas oublié en premier. Mon tout petit prince... je ne parvenais plus à le reconnaitre et même s'il gardait contenance, je sais à quel point ceci l'a fait souffrir. Non, il n'est pas du genre à se plaindre et pleurer, loin de là ! Il garde tout pour lui, telle une éponge. Je crois me souvenir de son regard brillant, il retenait ces larmes avec un sourire doux et triste. Une affreuse journée pour lui et un souvenir qui a surement forgé l'homme qui est devenu par la suite.

Le petit Empire crée par mon beau-père et mon mari était en plein essor. Presque 70% des terres agricoles de l'état leur appartenait. La société employée bon nombre de fermier et agriculteur. Dans cette belle "success story", il y eut le rachat de plusieurs abattoirs, histoire de minimiser et contrôler les coups. Mais sincèrement... quoi de mieux que ce type d'endroit pour faire disparaitre des corps ? Je n'avais plus toute ma tête, certes, mais je voyais le regard dépité de mes enfants par moment, surtout celui de Galahad. Il n'a jamais rien dit, mais je soupçonne mon mari d'avoir tué des gens, j'en suis certaine maintenant !

Quelques années plus tard, je suis morte. Inutile de pleurer, c'était inévitable, la maladie m'avait bien trop atteint et cela faisait des années que j'étais dans une maison de repos spécialisé. Parfois, j'avais la visite de mes enfants. A mon grand désarroi, mon petit prince n'est jamais venu... Mon fils adoré m'a abandonné, dans le fond, je crois qu'il refusait de voir que je l'avais oublié, c'était toujours lui que mon esprit effaçait pour une mystérieuse raison.

A présent, ma famille ne vit plus dans un ranch, ils se sont installés en ville, dans une grande et magnifique demeure. Le genre d'endroit qui fait parler et qu'on ne peut pas rater. Mon fils le plus vieux, Albert est décédé, un malheureux accident de voiture. Vous savez quoi, la vérité est tout autre. Il devait aller récolter de l'argent, car tout le monde ne paye pas ces dettes. Les choses ont mal tourné et ça a dégénéré. La personne a sortie une arme pour se défendre, une fusillade s'en est suivi et ne pouvant lutter seul, il a voulu fuir. C'était Galahad qui devait conduire, il l'avait chargé de l'attendre. Mais dans cette course poursuite, une erreur de pilotage a crée le chaos. La voiture a fini dans un ravin, le plus vieux de mes fils tué sur le coup, empalé par une branche d'arbre ayant fracassée le pare-brise, Galahad quand à lui a du attendre des heures que des secours passent par là, coincé dans la voiture, blessé et avec le corps de son grand-frère à côté de lui, se sentant coupable de sa mort. Les deux jambes cassées, il s'en est plutôt bien sorti, bien qu'il gardera à tout jamais d'horrible cicatrice sur son corps et une envie de vengeance qui le transformera. Peu après ça, son père le désigna pour prendre la place de PDG, de base son ainé aurait dû l'être, mais à présent qu'il était mort, il n'y avait plus aucun intérêt et il était le plus a même de tenir ce rôle difficile.

Ce que je souhaite le plus pour mes enfants, c'est leur bonheur ! Mais mon petit prince semble y échapper. Enfin c'est ce que je croyais. Après l'accident et la gravité des blessures de ces jambes, il lui a fallu des mois et des mois de ré-éducation. C'est là qu'il a rencontré Lisa, une charmante kiné qui s'occupait de lui. C'était évident qu'elle l'appréciait, qu'elle voulait partager la douleur qu'il gardait pour lui. Le jeune homme l'a hélas repoussé encore et encore jusqu'à ce qu'elle abandonne. Quand elle passa à autre chose, c'est là que mon idiot de fils acompris les sentiments qu'il avait pour elle. Quel mufle ! J'aurais dû lui apprendre le romantisme peut-être que ça aurait aidé. De la chance, il en a eu, car Lisa a accepté de revenir vers lui et de l'aimer. Un bel amour, surement le premier qui fut si réel pour lui, loin des amourettes de vacances d'été. J'aurais tellement voulu qu'il soit heureux... Mais la vie en veux à mon garçon. Alors qu'elle était enceinte, elle a perdu l'enfant, une terrible fausse couche qui a jeté un froid sur sa relation avec lui. En réalité, Galahad se sentait coupable, il se sentait maudit et la douleur a toujours été difficile à encaisser pour lui à cause de moi. Il s'est donc plongé dans le travail corps et âme, faisant grandir l'entreprise. Plusieurs marques furent lancer, surtout au niveau alimentaire, des céréales, des recettes à base de viande pour des plats préparés) et même une petite chaîne de restaurant pour vendre directement leur production. Un empire vous dis-je !

Vous souvenez-vous de la mort d'Albert ? J'ai du nouveau la-dessus ! Tout ceci avait été orchestré par mon beau-père. Ce salopard savait que son petit fils le plus vieux était sur le moins d''annoncer à la presse de sales histoires au sujet de leur famille et notamment au niveau de la "récolte des dettes" qu'il ne supportait plus. Ce jour là, quand Galahad l'avait accompagné pour le conduire, ce n'était pas prévu. Albert aurait dû y aller seul et si jamais les gens qu'il devait voir ne le tuait pas (ils étaient bien entendus payé par le papy !), c'est la voiture qui aurait dû le tuer. L'accident n'était pas dû à une erreur de la part de Galahad. Le véhicule avait été trafiqué. Comment aurais-je pu imaginer que leur grand-père puisse un jour essayer de les tuer ? Quand il trouva la vérité, mon doux petit prince alla directement voir son aïeul pour s'expliquer avec lui. La discussion tourna mal et devint violente. Pour se défendre, il poussa son grand-père qui dans sa chute se cogna le crâne contre la table. Un choc trop fort pour ce vieil homme qui ne tarda pas à mourir avec une magnifique flaque de sang autour de la tête et un Galahad ne sachant pas quoi faire. Oui, il aurait dû appeler les pompiers, c'était un accident, mais au final il voit ça tel un meurtre. L'unique personne au courant de la vérité, n'est autre que Déborah ma plus jeune fille. Pour elle, hors de question que son frère puisse se rendre à la police. Ceci serait un accident, elle intima son frère de quitter les lieux et ce n'est que quelques heures plus tard qu'elle fit mine de trouver son grand-père, mort, dans son bureau au manoir. Malgré tout, mon fils se sent terriblement coupable, ça le ronge, ça le torture et surtout il a commencé à forcer sur l'alcool pour oublier.

Cette vie, je sais qu'il la déteste. Il se déteste pour bien des choses et ceci m'attriste. Dans tout ça, il a fini par se laisser tomber dans la noirceur et succomber aux plus horribles démons. Cette âme perdue à rejoint les Behemot depuis quelque temps, trouvant leurs jeux malsain amusant et salvateur. Déverser sa haine de lui-même sur les autres, dans des chasses tordues. C'est un passe-temps, quelque chose qui lui permet de se libérer et d'exister. Mais dans le fond, je le sais, il est perdu, il s'est perdu ! Ce n'est pas un homme mauvais, il n'a juste pas eu de chance. Et hélas, je ne peux plus rien pour lui depuis déjà bien longtemps...