Rien à foutre des règles visiblement, tu fumes ta clope à l'intérieur comme si on avait l'droit. Enfin, c'est pas comme si j'faisais vraiment attention à ce genre de chose moi aussi dans le trou à rat où on vit. Peut-être qu'un jour on se trouvera un meilleur appart, mais pour le moment, c'est toujours mieux ça que la rue pour moi alors j'dirai rien. Tu me tournes le dos et je soupire en roulant les yeux. Ouais, alors lâche moi un peu, tu veux? Je t'abandonne dans la cuisine pour aller m'affaler sur le canapé. Pourquoi c'est pas l'heure que j'foute le camp déjà? Merde... foutu dealer.

T'laisses échapper un rire - comme quoi c'est plus fort que toi. Tes joues qui se creusent alors que tu aspires la fumée dans tes poumons. Terminée, tu viens éteindre le tout dans l'évier recrachant le tout en l'air. « Tu comprends rien hen ? » Que tu demandes en t'retournant finalement. Les bras croisés sur ton torse, ton bassin contre le comptoir. « T'as b'soin de t'faire soigner Vinnie. »  Il fait comme si de rien était, comme si tout était normal.  Ses mensonges se font de plus en plus fréquents et d'le voir dans un état pareil ça t'brise le coeur.

La tête qui repose sur le dossier du canapé, j'me suis même pas rendu compte que j'avais fermé les yeux. Comme quoi, le sommeil me rattrape peut-être un peu finalement. Ta voix me sort de ma semi transe et je rouvre les yeux lentement avant de tourner la tête dans ta direction. J'ai une putain de nausée et envie de juste foutre le camp d'ici, mais j'dois encore attendre une bonne heure avant d'avoir c'que j'veux. J'ai pas b'soin d'me faire soigner, t'es tellement dramatique!

« J'suis pas dramatique, je suis réaliste. » Notion que tu n'as probablement plus comment t'es ailleurs. T'sais même pas qu'on est le matin, t'imagines Vinnie ? « T'arrives à peine à rester debout. Tu trembles.. Tu crois j'suis aveugle ? Que j'comprends rien ? » Parce que si c'est le cas il se trompe. Tu le vois faire, le vois aller. Se détruire est rendu son passe-temps préféré et t'es là. Impuissant.

Je soupire et roule les yeux, claquant ma langue contre mon palais en détournant carrément le regard de toi. T'en mets des tonnes, c'est pas si mal. Sauf qu'on sait tous les deux que t'as raison, que c'est tout à fait vrai et que je suis carrément en train d'me détruire à petit feu. Tu m'saoules Wes, si j'te dis que ça va, c'est que ça va. J'devrais être touché que tu t'inquiètes autant pour moi. Mais j'ai pas envie d'me faire prendre la tête avec tout ça. Alors j'me lève et te dépasse pour aller vers la porte, enfilant maladroitement mes chaussures au passage.

Tu le regardes passer d'vant toi. La mâchoire serrée, les larmes aux yeux de par cette colère qui t'habites. « C'toi qui fait chier.. tu m'répètes sans cesse la même chose. » Non ça va pas. C'est ce que tu devrais me dire au lieu de me fuir comme si j'étais la peste. J'arrive plus à te cerner parce que plus on avance plus j'ai l'impression de te perdre, que tu es évasif. Tu roules des yeux alors qu'il enfile ses chaussures. « J'espère qu'il t'restera assez d'fric pour payer le loyer .. J'peux pas tout payer .. constamment seul  Vinnie. » Que tu grognes en ne bougeant pas d'un poil. Tu l'sais que j'ai un foutu boulot pourri et que je galère.

Je ne relève pas tes reproches. Oui, je répète toujours la même chose, mais c'est parce que ça ne semble pas te rentrer dans la tête. Tout c'que j'veux c'est d'avoir la paix et j'me demande parfois si j'aurais pas mieux fait d'me prendre un appartement seul. M'enfin, on le sait bien toi et moi que j'pourrais pas m'le permettre. D'ailleurs, tu relèves ce léger détail alors que j'termine de mettre mes chaussures. T'inquiète. S'il faut j'vais trouver un coin de rue pour jouer d'la guitare. Je le lance presque à la blague, avec autant de désinvolture que possible, mais la réalité est que je ne rigole pas. J'déteste que tu doives tout payer et j'suis prêt à à peu près tout pour pouvoir payer ma part en plus de mon héroïne..

S’plus fort que toi. Tu soupires bruyamment de colère. T’es loin de trouver la situation drôle. Le ton qu’il emploie même te dérange. Comme s’il avait de quoi en rire. Si tu n’étais pas là pour lui, t’imagines qu’il serait encore dans le rue. Est-ce qu’il s’en rend compte ? T’en sais foutrement rien. Est-il tellement dans un autre monde qu’il s’en contre-fiche ? Ça aussi t’en sais rien, mais tu n’cesses de te poser des questions. « C’est ça fou l’camps ! » Que tu grognes finalement en t’allumant une seconde cigarette.

Tu m'jettes pratiquement à la porte et je secoue la tête en décidant de t'ignorer plutôt que d'alimenter cette discussion qui ne mène nulle part ailleurs que dans un mur de béton qui porte l'inscription en néon de "prise de tête". Ouais, à plus tard. Je sors sans demander mon reste, déterminé à perdre mon temps avant d'aller récupérer ce que j'attends depuis plusieurs jours.

***

Lorsque je rentre finalement à l'appartement, deux bonnes heures se sont écoulées et j'espère secrètement que t'es parti dormir pour que je puisse faire mes affaires en paix. J'entre dans l'appart sans faire de bruit, tentant de me faire discret.

T'aurais aimé avoir la force de le retenir, sauf que t'es fatigué. Tu tentes du mieux que tu peux de lui faire comprendre à quel point ce qu'il prend c'est de la merde. Tu veux le conscientiser sur le fait que c'est dangereux, mais tu n'y arrives pas. Il te fuit, te ment et plus le temps avance plus tu trouves ça difficile de tenter de le raisonner. Tu devrais peut-être arrêter, mais c'est plus fort que toi. Le surveiller sans arrêt. T'as peur, mais vraiment peur de le perdre d'une erreur qui pourrait lui être fatale. Les larmes de colère te monte aux yeux et entrant ta chambre, trop en colère tu fous un petit bordel. Incapable de contrôler tes émotions, t'as un peu saccagé ta chambre pour finalement aller sous la douche. Une fois terminé tu sors de là, serviette autour de la taille - te croyant toujours seul. Tu secoues tes cheveux et une fois sortit tu croises Vinnie. « T'croyais que j'allais pas m'rendre compte que t'es rentré ? » Tu secoues la tête en lui tournant finalement le dos pour te rendre à ta chambre. « T'es aussi subtile qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. » Rien à foutre de la comparaison, t'as fait disparaitre ta gentillesse dans les trous de la douche.