♚ Are you okay ?

Un ami vous dit ce que vous voulez entendre, un meilleur ami vous dit la vérité. - Marilyn Monroe.

♫ Five Finger Death Punch - Bad Company

SEATTLE NORTH - UNION STREET

La veille, Aaron avait voulu prendre des nouvelles de Clayton. Alors, oui... Je vous l'accorde. il aurait pu le faire bien plus tôt. Un message par-ci, un appel par-là... Mais disons qu'à certains moments ; le tatoué vouait bien plus de temps à son métier et à ses passions. D'un autre côté... Aaron connaissait Clayton comme quelqu'un de... ? Comment dire ? Réservé ? En soit, Clayton n'avait pas l'air disposé à parler de son quotidien. Ça, Aaron pouvait le comprendre. Et du coup ; bah il le laissait dans son coin. C'était un peu difficile de venir lui parler ; Aaron peinant parfois à trouver des sujets de discussion. Sans compter qu'il ne voulait pas non plus l'assaillir de questions à la moindre occasion. S'ils se croisaient tous les deux, c'était quand Clayton venait au salon. Ou quand ils allaient boire un verre, de temps en temps. Enfin, boire... Aaron ne consommant jamais d'alcool ; ça faisait soulever des sourcils interrogateurs ici et là. Brèfle ! Ce n'est pas le sujet. Non, le problème, ça avait été la réponse de Clayton qu'il avait reçu.

Apparemment, Clayton n'avait plus de bagnole. Et à côté de ça, il avait semble-t-il beaucoup trop de choses à lui dire. C'est pour cette raison qu'Aaron avait décidé de prendre un peu de son temps ; histoire de se rendre chez son ami. Il s'était excusé la veille, Aaron s'étant trouvé bien trop bête de ne pas avoir contacté Clayton plus tôt que ça. Notre gars tatoué avait réussi à dormir ; mais disons qu'il avait passé de bien meilleures nuits que celle-ci. Clairement. Aujourd'hui, il s'était arrangé pour ne travailler que durant la matinée. Compréhensive, sa sœur allait prendre le relais. Pendant ce temps, lui allait s'absenter vers Seattle North ; dans le quartier de Union Street. En temps normal, Aaron ne sortait pas spécialement de son quartier à l'ouest. Il y avait bien le musée par la-bas, dans lequel Aaron pouvait trouver de l'inspiration ; mais sinon... Disons qu'il préférait le paysage de son quartier hétéroclite.

À mesure qu'il approchait d'Union Street, Aaron se demandait dans quel état Clayton pouvait se trouver. Autant sur le plan physique que moral. En soit, il était vivant malgré la perte de son véhicule ; ce qui était un soulagement. Quant à savoir comment et pourquoi il avait perdu sa caisse... Aaron allait sûrement le découvrir. Le tatoueur espérait le moins de mauvaises nouvelles possibles. En arrivant sur place, Aaron avait pu constater la différence notable en terme d'architecture. Ce qui avait également frappé notre homme ; c'était ce silence inhabituel qui animait l'endroit. Quelque chose qui tranchait immédiatement avec Junction, quartier dans lequel les sirènes et les coups de feu jouaient des concertos quasi quotidiens. Se baladant rarement dans le coin, Aaron s'avance simplement vers l'immeuble pour utiliser l'interphone. Au même moment, un agent d'entretien sort du hall ; et lui demande s'il souhaite entrer ou s'il attend quelqu'un.

Le tatoueur lui explique qu'il cherche à rejoindre Clayton, habitant au quatrième étage. Le type le laisse entrer et Aaron s'apprête à monter les escaliers, en stressant un peu. Depuis combien de temps les deux hommes ne s'étaient pas revus ? Honnêtement, le grand tatoué avait du mal à s'en rappeler. Une fois au quatrième, il pouvait déjà constater cette impression de luxe. Cet environnement tranchait complètement avec son immeuble qui n'avait rien à voir du tout. Avançant d'avantage, Aaron avait atteint la porte d'entrée de son ami. La plaque affichant « S02 » correspondait aux instructions qu'il lui avait donné. Prenant une inspiration, Aaron sonne une fois ; en attendant que Clayton ne vienne lui ouvrir.

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SEATTLE NORTH - JUNCTION

Coucher dans mon lit, j’ai regardé le plafond toute la nuit. Sans pouvoir trouver un sommeil, même après les quelques verres… Même après les cachets d’antidouleur. Alors j’ai décidé de texter mon ami, le tatoueur, Aaron Callahan. En réalité je ne sais plus trop ce que je lui ai envoyé. Mais tout ce que je sais, c’est que ma femme, Olivia et ma fille Rébecca, me manque tellement. Je soupire, essayant de me donner le courage de me lever. Marchant lourdement vers ma salle de bain où je m’observe dans le miroir. Les yeux cernés, une barbe non soignée ainsi qu’une coupe de cheveux déchaînée. Quelques égratignures ici et là, alors que nous pouvons observer, sur mon arcade droit, un palais refermé par des points jetables. Puis, dans une pensée aléatoire, je me demande : à quoi bon se soigner ? Après tout, ce n’est pas comme si j’essayais de faire des sorties… Bien que l’événement de la semaine passée dit le contraire. Par la suite, je décide de prendre mes médicaments habituels, antidouleur qui devrait ne plus être pris depuis au moins un ou deux mois… Après je me rends dans la cuisine en regardant les cadavres de bouteille étalés un peu partout. « Et ben… Tant pis » que je me dis en soupirant. Je pousse simplement du pied la bouteille ayant la flemme de les ramasser.

Je devrais manger quelque chose que je me dis, mais mon moral m’empêche de ressentir la faim et tout ce que je veux c’est d’attraper une nouvelle bouteille d’alcool, du bourbon, pour recommencer là où j’ai laissé hier soir avant d’envoyer les textos à Aaron. D’ailleurs, il est supposé passer dans l’après-midi, que je me rappelle en me versant un verre. « Bordel… Va falloir que je nettoie. » Bah ouais, je ne suis pas pour recevoir dans un dépotoir à bouteille. Je soupire une nouvelle fois. Je bois mon verre cul sec, range la bouteille pour essayer de ne pas trop abuser et je commence à ramasser. Normalement, Ethan est là et m’aide avec mon ménage… Enfin, il m’aide avec beaucoup de choses. Je ne le remercirais jamais assez, le pauvre.

Enfin, quelques heures plus tard, je termine de ranger le plus gros des bouteilles. N’ayant plus la force de continuer, je m’installe seulement sur le canapé pour prendre ma cigarette matinale et reprendre un verre que je bois plus lentement cette fois.

J'entends finalement ma sonnette. Je me lève maladroitement du canapé, ayant pourtant fait attention de ne pas trop abuser avec l’alcool… Faut croire que je n’ai pas pu m’empêcher de penser. Des flashs de l’accident me reviennent, tout comme des images de mon passage dans l’armée.

Je suis maintenant debout devant la porte, que je déverrouille et que j’ouvre en essayant d’afficher un sourire. « Hey » que je dis arborant un doux mélange parfumé de cigarettes et d’alcool. Surement très loin de l’image du gars joyeux. « Ne fais pas attention… Au ménage. » Que je dis en me poussant du passage. «Entre.»

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SEATTLE NORTH - UNION STREET

Aaron angoissait. Attendant quelques secondes devant la porte ; il avait l'impression d'y passer de longues minutes. Fermant les yeux, il s'imaginait le visage de Clayton. Dans quel état était-il ? C'est en entendant la serrure s'animer que le tatoueur rouvre brusquement les yeux. La porte ouverte ; Clayton était là, devant lui. La barbe broussailleuse, les cheveux débraillés... Avec les messages qu'il avait reçus la veille, Aaron pouvait se douter d'un truc. Et visiblement, son ami n'allait pas bien. Le tatoué en avait la certitude ; même sans connaître la véritable raison. Il le savait sujet à de la dépression ; ce qui était normal après avoir passé autant de temps sur les champs de bataille. La guerre, ça changeait indubitablement un être humain. Aaron, il voyait que Clayton peinait à se reconstruire et à aller de l'avant. Ça faisait peine à voir mais c'était courant dans les rangs de l'armée.

Dans un sourire difficile, son ami le salue et l'invite à entrer. Sonnant comme une excuse, il lui avait demandé de ne pas faire attention au bazar à l'intérieur. « Ça ne fait rien ! » Qu'Aaron lui répond, en lui rendant un sourire. Ce n'était pas pour ça que le grand tatoué était venu. « Je préfère te voir vivant dans un logement en désordre, plutôt que mort dans une morgue aseptisée qui sentirait l'éther... » Aaron avait sorti ça, comme ça. Soulagé de le voir en vie. Mais pour éviter qu'un blanc désagréable ne s'installe après une blague vaseuse, le tatoueur avait continué. « Ce serait plutôt à moi de m'excuser. J'aurai dû essayer de t'appeler ou t'envoyer un message bien plus tôt... » Il s'en voulait terriblement ; au point d'avoir eu cette impression de l'avoir laissé sur la touche. De l'avoir ignoré pendant trop longtemps.

Aaron se sentait idiot de revenir comme ça, sans aucun motif valable à lui donner. Il avait oublié ? Il n'avait pas le temps ? Il voulait le laisser tranquille ? Il ne voulait pas déranger ? Merde... Que des excuses pitoyables. Pour qu'Aaron puisse voir clair sur la situation, il valait mieux qu'il demande à Clayton ce qu'il avait. « T'as une de ces têtes ! Qu'est-ce qui t'es arrivé pour que tu te négliges, comme ça ? » En lui posant la question, c'était comme si le tatoué avait peur de la réponse. « C'est cette saloperie de guerre, c'est ça ? Toujours les mêmes cauchemars ? » Aaron, il n'était pas psychiatre. Il n'était pas médecin non plus. Mais ça l'emmerdait de voir un ami comme Clayton dans un état pareil.

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SEATTLE NORTH - JUNCTION

Dans mon état normal, j’aurais ri de bon cœur de sa blague. Mais je n’ai rien qui sort sauf un regard vide et sans espoir. Je n’ai plus la force de faire semblant. De dire que tout va bien alors que rien ne va. Le pauvre ne sait pas, mais la morgue est plus proche qu’il ne pense après toutes les pensées sombres qui traversent mon esprit une fois sobre. Ensuite, il s’excuse de ne pas m’avoir contacté avant. Je soupire et souris tristement « Ne t’en fais pas… Je n’aurais pas répondu de toute façon. » Que je dis en refermant la porte derrière lui. « Ça fait que 6 ou 7 mois que je suis sortie de l’hôpital… » Que je finis par dire.

« Sinon… Je peux t’offrir un thé, un café ? Ou si tu as enfin touché au breuvage alcoolisé, j’peux t’offrir une bière ? » Que je dis en me dirigeant vers la cuisine. Je sais que mon ami ne touche pas à l’alcool, mais je propose quand même, en sais jamais. Pour ma part, sans honte à avoir vu l’heure, j’ouvre le frigo et me prends une bière. À ce point ici, je ne vois pas pourquoi je me cacherais.

Accoter contre le comptoir, j’écoute le tatoueur me demander ce qui a bien pu me mettre dans cet état. L’espace d’un instant, je me demande si je continue sur mon passage à l’armée ou que je lui dis la vérité. Je pense en me pinçant les lèvres avant de prendre une gorgée de ma bouteille. J’avoue que mon cœur se serre, les images reviennent dans mon esprit encore trop lucide pour moi. « J-J’ai fait un gros accident il y a presque un an… » Je déglutis avant de le regarder. J’ai du mal à en parler, même après tout ce temps et pour me donner la force de continuer, je termine ma bouteille avant de la laisser sur le comptoir. « J’ai perdu ma femme et ma fille… » Que je termine par dire en ayant la gorge nouée par le mal. Cette pression que l’on ressent tout au fond de son thorax, celui qui nous empêche parfois de respirer sous la pression, sous la douleur, est présente.

« Pff… Belle ironie hein ? » que je dis en essayant de tenir bon, de rester composer. « Comment la vie peut t’enlever ce que tu chéris le plus… » que je continue avec amertume. Je soupire en essayant de rester collée devant mon ami qui m’a surement vue dans certains moments noirs de ma vie.

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Aaron s'en voulait. Il s'en voulait parce qu'il n'avait pas appelé. Il n'avait pas cherché à le contacter. Il se sentait vraiment idiot de venir comme ça ; sans avoir la moindre idée de tout ce qui avait pu se passer dans la vie de Clayton, depuis plusieurs mois. Dans un soupir accompagné d'un sourire timide, ce dernier avait dit ne pas lui en vouloir du tout. Et dans le cas où Aaron aurait cherché à le joindre, Clayton avait expliqué qu'il aurait laissé le téléphone sonner dans le vide. Il n'aurait pas décroché. Et pour cause, ça faisait entre six et sept mois que le type était sorti de l'hôpital. L'hôpital ? Voilà donc pourquoi Clayton ne passait plus aussi régulièrement au salon. Une partie de la vérité éclaircissait les choses. Comme pour casser ce silence pesant qui risquait de planer à tout moment ; il avait proposé quelque chose à boire à Aaron. Un thé, un café... Ou bien une bière, au cas où le tatoué avait enterré la hache de guerre avec l'alcool. « Un café, ça m'va très bien ! » Qu'il lui répond, en souriant. Diète stricte, assortie du bon traumatisme lié à l'enfance. Voir son paternel bien plus souvent proche du coma éthylique que de la sobriété... Bah ça lui avait donné un avis tranché sur la question. Et en s'étant mis au sport depuis, ce n'était pas plus mal. La bière, c'était plutôt calorique mine de rien.

Aaron était inquiet. Il se demandait bien ce qui avait pu mettre Clayton dans un tel état. Même si ça devait remonter à sept-huit mois ; il se souvenait toujours de lui avec le sourire. Et même s'il cachait sa déception, ses baisses de moral... Bah il souriait, il plaisantait. Il se changeait les idées, en somme. Là... Clayton était différent. Complètement anéanti. Un truc de vraiment moche avait dû se passer. Accoudé à son comptoir, il avait fini par lâcher le morceau. Un accident. Il avait subi un accident, il y avait moins d'un an de ça. D'où le fait d'avoir perdu sa bagnole, ouais. Ça tombait sous le sens, maintenant. Mais le pire, c'était pas ça. Dans l'histoire, la perte de sa caisse était clairement secondaire. En vérité, Clayton avait perdu bien plus cher dans l'équation : sa femme et sa fille. Écarquillant les yeux et serrant la mâchoire, Aaron avait peine à croire ce qu'il entendait. « Tu... ? » S'il déconnait ? Même s'il n'était probablement pas à la première bière de la journée, Clayton n'avait jamais paru si sérieux. « Ta femme et ta fille, mais... ? » Et Clayton qui définissait cette perte atroce comme de l'ironie. C'était horrible... Aaron aussi avait perdu deux personnes de sa famille. Mais il ne pouvait pas dire qu'il était aussi proche d'eux ; comme Clayton pouvait l'être avec celles qui partageaient sa vie. « J'comprends que tu n'aies pas voulu m'en parler avant, mais... » Bah il aurait p'têt dû. Aaron ne pouvait pas cacher sa tristesse. En soit, il n'avait pu voir les filles que très peu. Et le tatoué aurait aimé les connaître d'avantage. « Fait chier... La vie peut être trop cruelle, parfois. Elles... Elles étaient bien trop jeunes pour mériter ça. » Aaron ne se déplaçant qu'à pied ou via les transports en commun ; se confortait dans l'idée de continuer. Perdre la vie au volant, ça faisait partie des destins funestes les plus violents qui puissent exister.

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SEATTLE NORTH - JUNCTION

TW : Deuil, décès, accident de voiture, alcool, vulgarité.

Je ne lui dis pas, par contre, que ma fille est morte dans mes bras. Je ne lui dis pas que je n’ai pas eu le temps de dire un dernier au revoir à ma femme avant qu’elle ne me quitte pour le ciel. Je ne lui dis pas à quel point, en ce moment même, tout ce que je voulais c’est de les rejoindre pour enfin terminer ce martyr qui contrôle ma vie aujourd’hui. Je sais, ce n’est sûrement pas la solution, mais à quoi bon me battre ? À quoi bon… Perdre la personne qu’on aime est cruelle, comme a dit mon ami. Tellement cruelle, mais lorsque la vie vient chercher un être comme une enfant, ma fille qui n’avait que 13 ans, là on parle d’acharnement.

Aaron me demande finalement un café, que je préparais en sortant la machine et mets le tout en marche avec facilité malgré les tremblements qui parcourent mon corps. Un mélange d’émotion toujours aussi fort que l’événement parcourt mon être… Je soupire en essayant de me contenir, de ne pas craquer sous les souvenirs. Je sais que prendre une autre bière ne règlera pas la situation, mais m’apportera plus près du sentiment souhaité. Celui de ne plus penser.

J’ouvre le frigo, je prends ma bouteille et la dépose sur la table pendant que je m’empare du lait pour le café de mon ami. « Bordel... Ma fille n’avait que 13 ans.» Que je dis en le regardant droit dans les yeux, amertume, colère, tristesse son les émotions qui me traverse en parlant un peu plus de l'accident.  « Le pire ? Le mec qui nous a foncés dedans s’en est sorti avec 3 ans de prison et une suspension de sa licence… 3 PUTAINS d’année ! » que je dis en m’asseyant à la table après avoir servi le tatoueur. « Par contre… Je ne suis pas mieux que lui. » Que je continue en ouvrant ma bouteille. « J’ai conduit en état d’ébriété la semaine passée et j’ai failli y rester… » Cette déclaration sonne plutôt comme une déception qu’un heureusement.. « C’est pour ça que j’ai plus de voitures… J’ai seulement été stupide » où chercher une façon de partir.

Je soupire, essayant de mettre de l’ordre dans mes idées. « En fait, je ne me souviens plus trop de ce qui c’est passé en réalité, tout ce dont je me souviens, c’est que je me suis réveillé, la voiture contre un arbre, dans l’Olympic national park. » En gros, j’ai perdu la lueur, la flamme de vivre. J’ai perdu toute raison. Je n’ose même pas regarder mon ami en face prenant finalement une grande gorgée de ma bouteille d’alcool. Je veux modérer que je m’étais dit… Pour éviter cette vue pitoyable pour Aaron.

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Alors qu'Aaron accepte un café de la part de Clayton, ce dernier le prépare ; semblant bien perturbé par ses aveux. Jusqu'ici, il n'avait rien dit. Il avait gardé le lourd secret pour lui, ce qui avait dû l'affecter d'avantage. Survivre à sa femme et à son enfant, il n'y avait rien de plus douloureux pour un père. Si Aaron ne l'avait pas vécu, il pouvait le comprendre. Et depuis tout ce temps, Clayton avait entamé une descente aux enfers. Tout compte fait, le mari et le père qu'il était ; avait perdu ses repères. Deux personnes qu'Aaron n'avait que trop peu connues, malheureusement. Intérieurement, il s'était posé la question. Question à laquelle Clayton avait répondu, alors qu'il s'affairait avec le frigo. Treize ans. Sa gamine était âgée de treize ans. Les pensées d'Aaron se confirmait, avec cette précision. Une horreur. Voir une petite fille perdre la vie dans un accident de voiture, alors qu'elle se mettait tout juste à grandir... L'état du pauvre Clayton était bien plus que justifié. D'autant plus, quand Clayton avait continué son histoire. Le type responsable du drame... L'enfoiré qui méritait de pourrir en taule, n'avait pris que trois ans. Trois ans. Pour un double homicide – même involontaire – le gars avait aggravé son cas avec un délit de fuite. Et pour ça, Aaron était du même avis que son ami. Le type méritait bien plus. Quitte à – au moins – finir ses jours entre quatre murs. La chaise ou l'injection létale étant utilisées dans des cas bien plus extrêmes... Disons que le fautif aurait au moins mérité la perpétuité pour lui apprendre le respect. Parfois, le verdict rendu par la Justice pouvait sembler ridicule. Bien trop injuste. Encore que dans certains États du pays, différentes sentences étaient encore discutées. « Trois ans de taule et une suspension de permis ? Seulement ? » J'vous l'avais dit. Aux yeux de certains, la Justice pouvait sembler dérisoire. « C'est son père lui-même qui a rendu le jugement ? » Allez savoir, même si l'idée était peu probable. En soit, ce genre de verdict laissait toujours penser à de l'injustice et de la corruption. Assis à la table, alors que Clayton lui offre sa tasse, Aaron le remercie. « Merci pour le café. J'évite le lait dedans, ceci dit. Diète stricte ! » Par habitude, il le buvait toujours noir et sans sucre. Mais ça, Clayton ne pouvait pas forcément le savoir.

Son ami laisse un blanc et fini par avouer autre chose. Si cet homme n'avait pris qu'une légère peine à leur goût, Clayton avait expliqué qu'il ne valait pas mieux. Dans le sens où il avait conduit en état d'ivresse et qu'il avait failli se foutre en l'air ; la semaine qui avait suivi l'accident. « Pardon ? » Heureusement pour lui, Aaron n'avait pas essayer d'avaler une gorgée de café. Sans quoi, le tatoueur aurait pu s'étouffer avec une telle remarque. C'était pour cette raison qu'il n'avait plus de voiture. Il admettait avoir été stupide. « Stupide ? Mais... » Aaron peinait à croire ce qu'il venait d'entendre. « P'tain, Clay ! T'es... » Serrant les dents, surpris par la nouvelle ; Aaron avait l'impression d'halluciner. « T'es vraiment en train de me dire que tu as essayé de te foutre en l'air ? » Évidemment, c'était une question rhétorique. Clay était on-ne-peut plus sérieux dans ce qu'il venait de dire. Soupirant, il ne se souvenait plus vraiment de ce qu'il s'était passé. Lui, il se rappelait de son réveil dans la bagnole, emboutie contre un arbre de l'Olympic National Park, à Olympia. « Je... » Aaron avait des sentiments mêlés de colère, de tristesse et d'inquiétude. Son ami était dans un piteux état. Il lui fallait de l'aide ; et au plus vite. Encore qu'il fallait au moins que lui-même l'accepte. Plus facile à dire qu'à faire. « Tu as foncé dans le platane comme ça ? Sans réfléchir ? J'sais pas, tu... Tu aurais dû demander de l'aide. Chercher à discuter avec quelqu'un de qualifié. » Les psychologues, ça pouvait aider. Malheureusement, ce n'était pas de l'avis de toutes les personnes qui – comme Clayton – pouvaient être concernées. Aaron, il était prêt à parier que Clayton n'avait pas envie de ça. Si le tatoueur essayait de le convaincre ? P'têt bien. Si c'était peine perdue ? Sûrement. Mais au moins, on ne pouvait pas dire qu'Aaron restait les bras croisés pour ses proches. L'état de Clayton était préoccupant. Pour sûr.

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J’hausse les épaules lorsque mon ami me questionne sur l’homme en question. Déjà, la conversation est très difficile. Elle me manque terriblement… Ma femme, ma fille. Je ne sais pas quoi faire sans eux. Sans ma famille. « Honnêtement… J’crois qu’il y a quelqu’un qui ça fait payer quelque part… J’en sais rien, mais c’est au-delà d’être frustrant… Mais bon, que veux-tu que je fasse hein ! » que je réponds amèrement. Je prends une bonne gorgée de ma bouteille, faisant donc couler le liquide tout le long de ma gorge. Me rapprochant d’un état d’ivresse voulu. Dans le fond je ne veux plus penser… Bien qu’un but serait d’essayer de rester le plus lucide en la présence d’amis.

Je tourne maintenant notre conversation sur mon accident. « Non… Je n’ai pas voulu me foutre en l’air Aaron… Je suis tombé endormi à la roue… » Que je dis buvant le reste de ma bouteille. Oui j’ai envie de mourir… Mais je n’avais pas l’intention voulue en prenant ma voiture l’autre soir ! Après, il me dit, me propose d’aller consulter… « Non ça va… Je n’ai pas besoin ! J’ai tout ce qu’il faut juste ici… » Que je dis en désignant ma bouteille de bière. D’ailleurs, je me lève de ma chaise pour placer ladite bouteille sur le comptoir. La question maintenant… Est-ce que je m’en prends un autre ? Pourquoi pas ? J’suis bien partie de toute façon !

Alors, nouvelle bouteille en main, je l’ouvre avant de me rassoir à la table. « Dis-moi… Pourquoi la vie est aussi chiante ? Aussi… Amer contre moi hein ? Je perds ma petite famille, j’ai presque perdu Bianca par la même occasion. Et là… J’ai ma famille de sang qui me contacte pour me revoir… Pfff… Le pire ? C’est que j’apprends que j’ai une sœur et un frère… Et que nous sommes des triplettes… Tu y comprends quelque chose ?»

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Aaron était étonné de savoir que le fautif de l'accident n'avait bouffé que très peu, en matière de sanction. Pour le tatoueur, ça n'avait aucun sens. Pour un double homicide, volontaire ou non... Trois ans, ça n'avait rien de suffisant. Même s'ils étaient appuyés par un retrait provisoire ou définitif de permis. Effectivement, Clayton ne pouvait rien faire, si ce n'était subir la situation. Subir, encaisser et boire pour essayer d'oublier, semble-t-il. L'état du pauvre homme désolait Aaron qui ne pouvait que constater les dégâts. Certes, il pouvait trouver les mots pour réconforter Clayton. Mais même avec tous les efforts du Monde, le grand tatoué avait énormément de mal. Parce que le contexte était particulier. Son sang n'avait fait qu'un tour, quand Clayton lui avait avoué qu'il avait lui aussi conduit en état d'ivresse. En lui donnant les détails, il avait fait comprendre à Aaron que sa voiture avait terminé sa course contre un arbre. S'il avait voulu mettre fin à ses jours ? En vérité, non. Clayton lui avait expliqué qu'il s'était seulement endormi au volant. « Tu t'es p'têt seulement assoupi, mais t'as fait le con. Perdre le contrôle de son véhicule, ça rapproche de la mort. » Il le disait sur un ton monocorde et sérieux. « Tu le sais, ça ? » Pour Aaron, il fallait trouver une solution pour aider Clayton à se relever. À aller de l'avant. Évidemment, il ne pouvait pas oublier une telle horreur dans sa vie. Perdre une femme et une fille ; il n'y avait rien de plus affreux pour un homme. Et même dans cet état-là, Clayton n'avait aucune envie d'aller consulter. Voir un psychologue – même s'il était compétent – ce n'était pas dans les plans de son ami. Aaron soupirait, avant de boire une gorgée de son café. S'il continuait, le tatoué allait se fatiguer pour rien. Clayton, il était du genre borné, têtu. Et sous l'emprise de l'alcool... Il l'était d'avantage.

Brisant le silence, Clayton avait demandé à Aaron pourquoi. Pourquoi la vie pouvait se montrer si cruelle ? Il avait perdu sa famille qu'il aimait tant. Il avait failli perdre Bianca, en prime. Et à côté de ça, il avait eu des nouvelles de sa famille biologique. Apprenant l'existence d'une sœur et d'un frère de sang. Et pour finir, ils formait à trois des triplés. Sans vous mentir, ça faisait énormément à encaisser pour Aaron, qui emmagasinait les informations dans sa tête. « Attends... Quoi ? » Tout allait trop vite. Un peu plus et le tatoueur allait sentir une migraine. Fermant les yeux, il inspire avant de rouvrir les yeux, croisant le regard de son ami. « Bon... Je résume. » Sur le coup, Aaron avait l'impression de cauchemarder. « Tu m'as expliqué que tu avais perdu ta femme et ta fille. Tu ajoutes que tu as failli perdre Bianca qui est ta... ? Sœur adoptive, si j'me souviens ? Et maintenant... Tu m'dis que des gens t'ont contacté ; en te disant qu'ils cherchaient à te retrouver, parce que tu fais partie de leur fratrie de triplés ?  » Heureusement pour lui, Aaron était assis. Jamais il n'aurait pu soupçonner un truc pareil. « Qu'est-ce qui s'est passé avec Bianca ? Elle est au courant pour ton accident ? Tu lui a parlé de ces gens-là ? » Clayton, il était spécial. Et sa vie... C'était un bordel sans nom. « Si j'y comprends quelqu'chose ? Sérieux ? C'est tout le contraire, mec ! Tu m'as paumé, là. » Perdu. Aaron était complètement perdu.

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« Si toi tu es paumé… Imagine-moi ! » que je lui dis en le regardant… Décourager est petit comme mot pour décrire comment je me sens en ce moment. Je suis perdu, anéanti. Après j’ai cette histoire avec ma famille biologique… Le procès qui s’est mal tourné avec cet homme qui m’a pris ma famille. Cet accident stupide… « Alors… Bianca était avec nous, dans la voiture… E-elle a vécu cet enfer aussi. » Je prends une petite pause pour boire une partie de ma bouteille. Les yeux vitreux, je le regarde à nouveau pour continuer : « C’est la première personne que j’ai contactée quand j’ai réalisé que j’ai frappé un arbre… » Parce qu’elle est mon point de repère. Ma bouée de sauvetage bien qu’en ce moment Ethan l’ait encore plus, mais c’est une histoire pour une autre fois. Donc, je continue à expliquer (essayer d’expliquer) pour que mon ami comprenne mieux la situation. « Bon, attends… C’est l’avocat de mes parents qui m’a contacté… Enfin, mes parents biologiques. Mais de toute façon… Je ne suis pas resté, je n’ai pas pu finir d’écouter ce qu’il nous voulait… »

Je sors à présent une clope que je coince entre mes lèvres et que j’allume tout en continuant mon récit. « Dans le fond… je n’ai aucune idée de ce qu’ils veulent sauf nous retrouver… Maintenant je sais que j’ai un frère sous le nom de Mikkel Campbell… Mais tu sais… Je ne sais pas si c’est une bonne idée d’apprendre à les connaître. » Parce que j’ai peur, en fait. J’ai peur de me faire désappointer, d’avoir mal. Je n’ai pas besoin de ça en ce moment.

« Je suis désolé » que je termine en soupirant. Le pauvre… Il est ici pour moi et je suis là, à me plaindre… À déprimer. À boire pour perdre la capacité de penser. Je me dis que je suis pathétique, mais qu’est-ce que je peux faire de plus ? Je ne veux pas me faire aider… pas maintenant. Finalement je finis par rire légèrement. « Que je suis bête… » Que je dis dans un petit sourire, la cigarette maintenant entre les doigts. « Et… Et toi alors ? Comment cava ? »

La bouteille maintenant vide, je sens mon cerveau, enfin, s’embrumer de cette ivresse souhaitée. Cette échappatoire qui me fait planer. Bien qu’Aaron soit là, je n’ai pas pu m’en empêcher…