le sachet transparent choit dans la poubelle de la salle de bain, vidé de son contenu sur une langue pâteuse et désintéressée.  reflet couvert de fumée, la peau voilée de perles brûlantes. tu attrapes tes antidépresseurs. dose recommandée au matin, entêtement avalé au soir. tu les prends quand t’as envie, fuck l’insomnie. passé d’une gorgée de bière oubliée en piquant dans la sphère salle-à-manger. le cocktail intoxicant pourrait te tuer, si les doses venaient à être exagérées. drogue inconnue déjà sur le processus d’être digérée. les effets qui ne feront aucune valse avec les médicaments prescrits. ce sera un combat, que tu es déjà prêt à perdre. retourné nu, à la chambre. solitude bruyante, tu t’installes sur le coin du lit, téléphone récupéré pour faire défiler des profils sur washare. les couleurs se mélangent, les faciès se déforment. puis la lueur d’un aurevoir. l’adieu jamais définitif lorsque ton épaule creuse le cadre de sa porte. que la discussion muette laisse place au départ avec un objet oublié. plein d’autres seront à récupérer. qu’elle est belle. le palpitant tambourine à la renverse. c’est douloureux. malgré les jours où tu fais semblant de passer à autre chose, et ceux que t’aspires à retrouver ses bras. puis son visage qui apparaît, à lui. et les récents échos de vos espérances aux nuances toxiques, pétillent sur un derme pas encore engourdi. tu fermes les paupières si bas et si fort. lorsque le coeur palpite d’une nouvelle complainte. au moment de dilater tes pupilles sur une noirceur familière, c’est un imposant bloc appartement luxueux qui se dresse devant toi.

ta respiration s’active en sifflement jusqu’au tympan. pression lourde, ouïe massacrée. t’es essoufflé. ton cadavre euphorique est trempé d’une sueur inconsolable et particulière. une force te paralyse sur place malgré le décès lent de chaque nerfs électrisés.  t’as l’impression d’avoir couru, d’avoir fuit une bête qui t’en voulait, la mort au trousse. alors que dans les faits, tu vas toujours à sa rencontre, fierté ravalée. le goût est métallique et dérangeant. et lorsque tes yeux baissent sur des paumes tenues en direction d’un ciel obscur, tu détectes un liquide carmin qui s’enfonce dans chaque crevasses de tes mains. ligne de vie noyée, probablement essuyée sur tes vêtements froissés, tâchés. t’as pas mal. si, t’as mal. mais c’est plus loin, plus creux, plus spirituel. tu ne te rappelles pas d’avoir sorti une lame. tu ne te rappelles même pas comment t’es arrivé là. à qui appartient ce sang ? t’as peur. tu dévales les marches, monte comme si ton dessein en dépendait. tu veux te parler, t’y arrives pas. t’as envie de te raisonner, mais ta voix ne sort pas. t’as juste envie de gerber. toutes les sonnettes sont accrochées, t’as juste besoin que quelqu’un t’ouvres avant que le palier ne fasse qu’une bouchée de toi. tu grimpes les marches en quête de cet appartement dans lequel t’y trouves un bonheur inavoué. t’es atterrit inconsciemment ici, pas pour faire le beau mordu de folie, devant des étrangers. C15. tu cognes. tu cognes comme un désespéré, comme un condamné. tu salis, tu marques la porte d’un rouge étourdissant. migraine qui s’accueille dans un crâne en voie d’explosion. t’as envie de crier noë. et en vaine tentative, tu tournes la poignée. ou elle tourne, et tu suis le geste imposé. le résultat est le même, ouverture étonnante, plancher rencontrer. t’as l’impression de t’avoir éclater les deux genoux. les os soudainement en verre trempé. t’arrives toujours pas à respirer, calmer ce geste que t’as toujours envie d’arrêter. - j’vais… pas bien, bianca. c’est gargarisé, lorsque les notes de sa voix parvient à percer l’aura démoralisante.

La journée avait été longue. Les bureaux du FBI étaient calmes ce matin. Bianca avait donc espéré pouvoir passer une journée posée et tranquille, à rattraper la paperasse en retard. Mais avant même qu'elle ait eu le temps de se faire un café, un autre agent vint la prévenir que son chef voulait la voir. Les premières fois où elle avait été convoquée ainsi, ou du moins les premières fois où elle avait été convoquée, après qu'elle ait commencé à jouer avec les preuves et serré les mains de criminels, l'angoisse lui était montée dans le ventre, persuadée que cet appel marquait la fin de sa carrière. Mais non. De la chance, qu'elle avait pensé. Ils n'ont juste pas encore remarqué son manège. Au fil du temps, cependant, il était devenu évident que la chance n'avait rien à voir avec l'absence de représailles pour ses actes. La position de son père, cependant, semblait y jouer un grand rôle.

Et bien que Bianca ne parlait toujours pas au paternel, elle était depuis toujours très confiante en entrant dans le bureau de son supérieur. Et à juste titre, puisque qu'aujourd'hui c'était l'annonce d'un nouveau dossier qu'on lui faisait. Pas une affaire à proprement parlé, mais une personne. Une agent sous couverture, qui semblait avoir du mal avec la double vie qu'elle menait. Son agent de base ne savait pas comment gérer ça, et les études en psychologie de Bianca pourrait être utiles, selon le bureau.

La jeune fille avait donc passé la journée à lire le dossier, et découvrir cette jeune femme. Pas toujours facile de se plonger dans les détails les plus gores des habitudes des gangs mentionnés, donc en rentrant, elle avait proposé à Ethan de commander à manger, et de se poser devant un film. Oasis psychologique de courte durée puisque peu de temps après, Ethan avait dû se préparer pour son shift de nuit, et Bianca avait dû se replonger dans ses dossiers. Elle devait rencontrer l'agent dans quelques jours, et ne pouvait pas se permettre de la déboussoler encore plus.

Coup sur la porte. Bianca se réveilla en sursaut, les lignes des feuilles sur lesquelles elle s'était endormie imprimées sur sa joue. Il était tard. Très tard. Mais tout de même trop tôt pour qu'Ethan rentre de son shift. Qui pouvait donc être à la porte à cette heure-ci ?

Comme par réflexe, Bianca attrapa son arme et se dirigea vers la porte d'entrée. Hésitante, parce qu'encore un peu dans les vapes, elle finit quand même par ouvrir, découvrant ainsi une image qui lui retourna le coeur. Noë est à terre, et il y a clairement quelque chose qui ne va pas.

Bianca se jeta près de lui, prenant le visage du garçon entre ses mains. Il lui fallu néanmoins quelques secondes pour remarquer le sang. Automatiquement, elle ferma la porte d'entrée du bout du pied. Elle n'était pas sûre de ce qu'il se passait, et des témoins ne l'aideraient pas dans cette situation.

Par précaution, elle mit Noë sur le côté, avant de l'inspecter rapidement. Il était clairement sous l'influence de quelque chose, mais le sang, ça, elle ne l'expliquait pas.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? T'as mal quelque part ? Un voix douce. La même qu'elle utilisait avec lui quand il était gosse. A ses yeux, il n'avait jamais grandi. Et il ne grandira jamais.

Noë, elle l'avait vu littéralement dans tous ses états. Elle l'avait vu heureux, insouciant... innocent. Avant que tout parte en couille et qu'ils perdent Darcy. Après ça, elle l'avait vu troublé, peiné, perdu. Difficile de grandir et passer au-dessus d'un trauma pareil. Dernièrement, elle avait l'impression de le voir en colère, plein de culpabilité, en pleine auto-destruction. C'était un état qu'elle ne connaissait que trop bien. Et ça poignardait son coeur de voir celui qu'elle considérait comme son petit frère depuis quasiment toujours, dans une misère similaire à ce qu'elle avait vécu. Ce qu'elle vivait encore parfois.

Elle s'était surprise plusieurs fois, pendant son cursus de psychologie à la fac, à mettre ses cours en perspective, les comparant à Noë. Elle aurait bien aimé pouvoir l'aider et l'accompagner comme il fallait. Elle aurait voulu être capable de lui tenir la main jusqu'à ce qu'il laisse aller cette culpabilité qui semblait le bouffer. Mais difficile de faire ça, quand elle n'avait elle-même pas fait la paix avec la sienne. Difficile de prôner l'amour au lieu de la colère, quand elle aussi n'arrivait pas à gérer ses humeurs. Difficile de lui montrer comment prendre soin de lui quand tout ce qu'elle avait fait ces dernières années, c'était de trouver mille et unes façons de se détruire toute seule.

Donc elle était là. C'était tout ce qu'elle pouvait faire. Elle ne pouvait pas lui montrer le droit chemin, mais elle pouvait lui tenir la main, et rester à ses côtés, peu importe à quel point le chemin qu'il avait choisi était sinueux. Donc quand ils réalisèrent que le sang n'était pas celui du jeune Razaee, la question ne se posa pas. Qu'il avait sauvé, ou tué quelqu'un, ça n'avait pas d'importance. Le job de Bianca, c'était de mettre les mauvais gars en prison. Noë c'était pas un mauvais gars. Donc elle allait s'assurer qu'il se ferait pas enfermer.

Elle posa une main sur son dos, alors qu'il vidait le contenu de son estomac dans son évier, puis quand il sembla plus stable, elle passa son bras autour de lui, et l'aida à marcher en direction de la salle de bain. On va commencer par te nettoyer un peu. Toujours cette voix, aussi douce et posée que possible, espérant épargner au jeune homme une crise de panique.

Une fois dans la salle de bain, elle aida Noë à retirer ses chaussures, puis l'assit dans la baignoire avec le reste de ses vêtements ensanglantés, avant d'allumer l'eau chaude. Comment ça va ta tête ? Ça tourne ? Tu sens que tu vas être malade encore ? Est-ce que c'est trop chaud, ou ça va ? Elle enchaîna les questions. Elle en connaissait déjà plus ou moins les réponses, mais elle avait besoin qu'il garde son attention sur elle, espérant qu'il ne remarque pas l'eau dans baignoire qui était déjà écarlate.

noyau de ton univers, il n’y a que tes convictions et tes peines qui guident tes pas, mains dans les poches devant les douleurs des autres. l’égoïsme qui cogne dans les portes, sans proposer les clés de la tienne. un sentiment épanouit au gré des complications pantelantes. l’enfant à bout de souffle qui n’attend qu’un état de repos naturel pour reprendre les rênes d’un respect universel. malgré tout ça, avec bianca: c’est une toute autre histoire. il ne suffira que d’un retour d’esprit moins enveloppé d’un brouillard pour se questionner sur son bien être. à petite dose, mais tout de même existante: t’as réellement appris à te soucier d’elle. même si des situations comme celles-ci démontrent un pôle différent. et le pourcentage de justice dans le don de soi n’a rien d’équilibré. ta conscience à ses limites, dans la compréhension des relations humaines. une adolescence complète à te laisser envelopper de l’ombre des drames et de disparaître lorsque les mois sombres s’élèvent. faudrait que tu arrêtes noë, tout de même. de penser qu’il n’y a que toi lié à cette incapacité de se pardonner. même la main qui se glisse dans ton dos aux vêtements moites, ne chasse pas le vacarme qui cogne. puis, à la fois lourd et docile, un poids et une aide, tu la laisses dessiner le chemin d’un potentiel calme. parce qu’elle est l’adulte, et que toi, au fond. t’es encore qu’un gosse.

les muscles se raidissent au moindre contact de l’eau. elle est chaude, pourrait s’évoquer comme réconfortante. mais elle ne fait qu’alimenter l’enfer qui bouille dans chacune de tes veines. le torse gonfle, les poumons cherchent vainement l’air avec une force qui te ferait probablement vomir de nouveau. mais tu déglutis une salive qui n’existe pas, sensation pâteuse sans équivoque et goût putride. tu passes les mains irrégulièrement sur ton visage jusqu’à revenir dans tes mèches humides de transpiration. les questions font tourner les sens, forçant une paume à se plaquer à la bordure du bain, les doigts crispés. une électricité nauséabonde dans le corps. - j’ai merdé, j’ai merdé, j’ai… la répétition se succède d’une voix endommagée, les iris perdus sur un liquide teinté de questionnement. t’as sûrement encore l’mauvais trop présent pour calmer tes propos. une réalisation qui te fait te redresser tant que possible au fond du bain, éviter d’être aspiré par cette eau; étrange gouffre. ta mâchoire te fait pivoter la tête vers la brune, les épaules soudainement creusées à faire la lecture de ses yeux. une force semble te faire pression à ne te concentrer que sur le mouvement de ses lippes, sur les vibrations de sa voix. tu ravales un tremblement qui te fait figer davantage. - j’vais mourir c’est ça ? j’vais m…. une respiration manque le rythme, laissant de nouveau les lèvres séparées et un temps mort d’une panique qui ne démord pas. jusqu’à la mâchoire rapidement crispée et les paumes de main qui creusent les orbites, yeux fermées. - j’ai merdé et ça va m’tuer...j’ai tué.. j’ai pas… la prochaine étape, tu vas peut-être te mettre à lui demander pardon. parce que tu penses vraiment que c'est la fin.