Was I made from a broken mold ?

Je vis l’enfer depuis la mort de ma famille. J’ai senti la vie de ma fille se terminer dans mes bras… Je n’ai jamais pu dire un dernier je t’aime à ma femme avant qu’elle ne me quitte elle aussi, tuer sur l’impacte. Je me souviens comme si c’est arrivé hier. Comment peut-on guérir d’un tel drame ? Je peux, par contre, remercier le ciel, qu’ils ne soient pas venus chercher ma petite sœur. Si ça était le cas… J’avoue que ça ferait longtemps que j’aurais été les rejoindre. Bien qu’en ce moment… De jour en jour, je me rapproche un peu plus de cette idée. Pourtant, je ne parle pas, je plane… Autant par mon abus de médicament et d’alcool que la planification de cette mort qui se rapproche à grands pas. Je ne fais plus attention… Je ne mange presque plus, je prends ma voiture alors que je suis sous l’influence, encore heureux que rien ne soit arrivé avec mes idées irrationnelles.

Pourtant, ce soir je fais la même chose, après de nombreux verres mélangés avec mes antidouleurs, je décide de prendre ma voiture et de continuer mon chemin vers un bar de la ville. Je voulais oublier toutes les horreurs que la vie a pu m’apporter. Ceux de mon temps dans l’armée, ceux de cet accident qui joue en boucle dans ma tête. J’ai voulu aller m’amuser, en vain… Puisque ce sont mes poings qui ont mené la danse. Oui, je sais… Qu’est-ce que je fais ? Peut-être que je recherche quelqu’un pour me punir ? Après tout, c’est moi qui étais au volant de cette putain de voiture non ? Alors pourquoi eux… Une fois jeté dehors, je repars sur la route, comme l’imbécile que je suis. Je roule sans buts précis. Laissant parfois la voiture dépasser la ligne jaune alors “thank god !” que personne n’est sur la route.

Sauf cette petite voiture rouge qui s’en vient tout droit sur moi alors que mes paupières commencent à devenir lourdes… Pendant que je suis celui qui fonce tout droit sur eux. J’avoue que je me suis endormi pendant une seconde (ou une minute). Je ne me souviens plus en fait. Ce que je sais, c’est une fois que je me suis réveillé… Je suis au beau milieu du parc national Olympic avec un mal de crâne horrible. À la vue que ma voiture a, j’ai dû faire des tonneaux, enfin… J’ai du mal à déduire dans mon état.

Finalement, après avoir repris légèrement mes esprits, je contacte ma sœur avant de m’allumer une cigarette et de l’attendre, accoté, contre ma voiture. Plus les minutes avancent, plus l’adrénaline diminue… Plus le mal commence à sortir, mais je sais que ce n’est pas le pire… Demain, va être un enfer. Je sais que Bianca va vouloir que j’aille à l’hôpital ( ou alors me tuer, un ou l'autre ), comme en peux voir clairement des plais sur mon visage, mais je ne veux pas me faire poser des questions. Je n’ai pas besoin de ça… Quand bien même je veux disparaître de cette terre, je n’ai pas envie de bousiller ma carrière à cause de ma stupidité irrationnelle.

Was I made from a broken mold ?

Il était tard, et Bianca était dans son lit, tentant tant bien que mal de s'endormir. Mais ces derniers jours avaient été... particuliers ? Elle s'était retrouvée avec une tonne de dossiers au boulot, en plus des couvertures qu'elle devait gérer, elle devait avoir recours à des méthodes de plus en plus ingénues pour éviter son père, qui semblait être dans sa période annuelle où il tentait de la harceler pour qu'elle accepte d'avoir "une discussion" avec lui, et puis le retour (ou l'arrivée ?) de Mason. Elle était sacrément troublée par ça pour être honnête. Ses sentiments s'entremêlaient et au final, elle n'était pas sûre si elle se sentait globalement bien ou pas. Et même si elle savait très bien que c'était dangereux, elle s'était trahie en ouvrant ce fameux dossier sur son ordi où elle avait "caché" toutes ces photos d'elle et Mason.

Perdue dans ses pensées, fixant le plafond dans la pénombre, elle fut surprise par le bruit d'une notification sur son téléphone. Espérant secrètement y trouver un mot doux du sportif retrouvé récemment, ses papillons dans le ventre furent instantanément remplacés par un poids d'anxiété lorsqu'elle lut le nom de son frère sur l'écran. A cette heure-ci, il devait s'être passé quelque chose de grave. Elle sauta du lit plus vite que l'éclair et parvint à trouver ses clés et son sac tout en répondant aux messages de son frère. En quelques minutes, elle était derrière son volant, en route pour la localisation partagée par ce dernier.

Elle n'avait pas réussi à obtenir des détails de Clayton. Il semblait vraiment dans un état pitoyable. Cet état, Bianca ne le connaissait que trop bien. Et c'est pour cette raison qu'elle savait qu'elle devait se dépêcher de le retrouver. De par son expérience personnelle, et celle des autres qui fréquentaient son groupe de parole, elle savait que personne ne se mettait dans des états pareils sans avoir un besoin d'auto-destruction enfoui. Vu ce qui était arrivé à Clayton, c'était plutôt prévisible. Et vu que Bianca était plus ou moins la seule personne qui lui restait, elle était aussi plus ou moins la seule personne qui pouvait l'aider.

Elle arriva quelques dizaines de minutes plus tard. Face au parc national enfoui dans la pénombre, elle n'eut pas d'autre choix que de se garer sur le bord de la route, et de suivre les traces d'accidents dans l'herbe, avant de finalement arriver devant la carcasse de voiture dans laquelle son frère se trouvait quelques temps plus tôt. Le coeur de la jeune fille manqua un battement, mais elle fut plus ou moins rassurée quelques secondes plus tard, en retrouvant son aîné adossé de l'autre côté, une cigarette à la bouche. Il n'avait pas bonne mine, mais au moins il était conscient.

- Si t'étais pas déjà blessé je te jure que je t'en aurais collé une, Morales ! Lança-t-elle partagée entre la colère et l'angoisse.

Elle se plaça face à lui et le dévisagea avec une expression de déception sur le visage, comme celle qu'aurait une mère face à un adolescent de retour d'une fête, un peu éméché.

- Comment tu t'es retrouvé là ? Comme t'as réussi à faire ça à ta bagnole ?

Was I made from a broken mold ?

La voiture contre l’arbre, je regarde quelques secondes les dégâts avant de m’adosser contre la carcasse de fer et de m’allumer une cigarette. Je ne veux pas de policier, je ne veux pas d’ambulance non plus… Si c’était Ethan ? Il allait me faire la morale, encore une fois alors que je vais m’en prendre plein la gueule avec ma cadette. D’ailleurs, peut-être une demi-heure, une heure après avoir contacté ma sœur, elle arrive… Elle ne perd pas de temps non plus ! « Oh ça va… Laisse le Morales de côté… » Que je dis en soufflant la fumée de mes poumons. Je me redresse légèrement, pas sans me tenir contre ma voiture pour rester bien droit, l’alcool encore dans le sang. « J-J’ai tomber endormi à la roue… Voilà tout. » Que je continue en évitant de regarder Bianca dans les yeux. « En gros… J-je ne sais pas comment j’suis arrivée là. » Heureusement que la voiture qui m’a vue prendre le champ ne s’est pas arrêtée… Sinon ça aurait été les flics surement les pompiers. Et avec mon taux d’alcoolémie, ça aurait été marqué à mon dossier et potentiellement perdre mon métier. Ce que je ne veux pas… Même si l’idée de mettre fin à mes jours s’introduit chaque minute, chaque seconde de ma vie. Pour aller les rejoindre…

Je sais que je ne vais pas pouvoir m’échapper de Bianca aussi facilement. D’un… J’ai conduit en état d’ivresse alors que je suis policier. De deux… Je suis autant stupide que l’homme qui causer notre accident… En fait, je ne sais pas quoi faire de ma vie, tellement que je me crée ma propre situation comme celle-ci. Alors je soupire devant Bianca… Je soupire après avoir terminé ma clope. « Je… Écoute, je suis désolé de t’avoir appelé aussi tard… » Que je dis finalement et je reprends une autre clope pour essayer de calmer mon corps en état de choque.

J’avoue que… Dans toute cette histoire, il y a quelqu’un qui m’a quand même protégé… Là-haut. Ça aurait pu tellement être pire… J’aurais pu percuter quelqu’un et causé la mort d’autrui. J’aurais pu m’enlever la vie d’une quelconque façon…

Was I made from a broken mold ?

Clayton, adossé à la bagnole en morceaux agit comme si ce n'est pas si grave. Il clame qu'il s'est juste endormi au volant, mais t'as pas besoin d'être Sherlock Holmes pour savoir que ce sont des conneries. Même à plus d'un mètre de lui, tu peux sentir l'alcool transpirer de ton frère. Et puis, ce regard, tu le connais, t'avais le même il y'a encore quelques mois. C'est triste à dire, mais ce drame t'as fait toucher le fond, ce qui t'as permis de remonter la pente, petit à petit. Clayton, lui, semble s'enfoncer de plus en plus dans les abysses. Et même si t'as pas envie de ruiner sa vie encore plus, tu commences à te dire que tu va peut être devoir lui mettre un grand coup pour qu'il se réveille.

Ce grand coup, ce sera pas ce soir par contre. Tu vois la peine sur son visage et il semble avoir assez morflé pour la soirée. Mais tu ne peux pas laisser passer ça si facilement. Tu peux pas laisser ton frangin ruiner sa vie et sa personne comme ça. Tu lâches un soupire, croises les bras sur ta poitrine, et lui lance un regard défiant. "Je vais te filer un coup de main..." Tu marques une petite pause. "Si, et seulement si tu m'explique ce qu'il se passe dans ta tête, et tu acceptes de m'accompagner à une réunion des alcooliques anonymes."

Ce mot, t'as toujours du mal à le prononcer. Il est synonyme d'un échec, et maintenant de ce qui semble être une malédiction familiale. Voir ton père sombrer dans la bouteille t'avais fait jurer que tu finirais pas comme ça. Pourtant tu t'es quand même perdue dans ces conneries. Et même si ton frère refuse de le dire à autre voix, il est évident qu'il est dans la même situation à son tour. Donc ouais, ce mot, tu le prononces malgré ta propre honte. Parce que le premier pas vers la sobriété c'est de reconnaître qu'il y a un problème. Et vu que ton frangin n'a pas seulement mis sa vie en danger mais celle des autres, c'est la seule option qu'il te reste, avant de l'envoyer de force en cure de désintoxication, ce que t'aimerais éviter de faire histoire de pas ruiner sa carrière en plus du reste.

Was I made from a broken mold ?

Tu évites toujours le regard de ta sœur… Fatigué, épuisé mentalement, physiquement. Tu n’en peux plus des tortures causer par ton cerveau endommagé. Tout ce que tu veux, c’est de le faire taire… De ne plus penser, de ne plus entendre, de ne plus voir. Tu veux dormir, tu veux pouvoir passer une nuit sans voir les nombreuses scènes de ta vie passée. Ensuite, elle commence à te parler, te disant, en croisant les bras sur sa poitrine, qu’elle accepte de t’aider… Pas sans condition. Non. Elle veut savoir ce qui se passe dans ta tête et elle veut que tu l’accompagnes chez les alcooliques anonymes. Alors tu serres les mâchoires à cette demande, refusant de t’appeler un alcoolique, parce que tu ne l’es pas, non ? Tu te dis que tu es parfaitement capable d’arrêter quand tu veux… Seulement, tu ne veux tout simplement pas. Pourtant, tu es aveugle, Clay… Mais tu ris amèrement. « Ce qui se passe dans ma tête !? Tu ne veux pas savoir… Non… Pas du tout… » tu écrases ta cigarette pour t’en allumer une autre, sous le choc. Tes mains tremblent toujours et tu commences à sentir toutes les douleurs de l’impact. Alors tu portes instinctivement une main sur ton côté droit, comme pour essayer d’atténuer la douleur. « Je ne vois pas pourquoi j’irais là, je ne suis pas alcoolique… Je suis en parfait contrôle ! J’ai juste pas envie d’arrêter… Alors c’est bon… Tu peux retourner chez toi… » Si tu arrêtes, tu sais que tu vas revoir tout… Complètement TOUT.

Tu soupires à ton tour, tu te remets droit, du mieux que tu peux… Seulement, tu te retiens. La tête te tourne, ton corps te fait mal et tu es tellement fatigué. Alors tu te laisses maintenant glisser contre ta voiture, laissant tes larmes couler. « Je ne veux pas arrêter… Je… Je ne veux pas revoir tout ça… S’il te plait… Ne me force pas à y aller ! » que tu dis, vulnérable cette fois. Tu craques sous la pression que tu te donnes. Tu craques… Mais c’est seulement ta sœur, heureusement. Elle t’a vue dans tellement d’états différents que tu ne peux même pas les compter sur tes doigts. Vous avez passé tellement d’épreuves ensemble avec la mort de votre mère, l’alcoolisme de votre père… Et pourtant tu n’es pas bien loin de l’exemple que ton père vous a donné.

Tu enfonces ta tête sous tes bras, posant tes mains contre ta nuque. Peut-être qu’au fond, tu aurais souhaité ne pas te réveiller de cet accident. Ça aurait dû être toi qui sois partie… Pas ta femme ni ton enfant. Toi. Avec tout ce que tu as pu faire dans ta vie, surtout à ton passage dans l’armée où tu as pris des vies… « C’est pas juste… » dis-tu avec misère. Ton parler est tellement lent… Et embrouiller.

Was I made from a broken mold ?

Il a toujours été plus fort que toi, Clay. De par votre différence d'âge, déjà. Puis à cause du fait que c'est un mec. Scientifiquement parlant, il est naturellement plus fort. Mais tu t'es toujours battue pour lui montrer, à lui et à votre paternel, que toi aussi tu pouvais être forte. Ton exemple ça a toujours été lui.

Pourtant t'as inconsciemment suivi l'exemple de ton père. Le mauvais exemple. T'as même fini dans le même boulot qui l'avait initialement fait sombrer. Il t'en a pas fallu beaucoup pour faire les mêmes erreurs. Pour sombrer à ton tour. Pour te retrouver face à ta faiblesse, malgré tous tes efforts pour prouver que t'étais forte.

Clayton, lui, il a gardé la tête haute. Mais avec ce qu'il lui est arrivé, comment tu veux rester sain d'esprit ? Il a fait ce qu'il pouvait pour vivre avec ce drame. Il a fait de son mieux. Donc même dans l'état dans lequel il est ce soir, t'as toujours ce respect pour lui. Parce qu'il est fort. Plus fort que vous tous.

Néanmoins tu ne peux pas fermer les yeux sur le fait qu'il est en train de se détruire à petit feu. C'est ton frère, donc c'est ton boulot à toi de le protéger comme tu peux, même si ça veut dire le protéger de lui-même. Si toi t'as réussi à faire un trait sur ces addictions, il peut le faire aussi. Il est plus fort...

Tu poses ta main sur son épaule, espérant le réconforter au moins un minimum. Tu détestes le voir comme ça. C'est pas tant le fait de le voir blessé. Tu sais que ça, il s'en remettra sans soucis. C'est le fait de le voir pleurer.

Tu déglutis, et malgré le fait que t'aies juste envie de le ramener chez lui, le mettre sous une couverture et lui assurer que tout ira bien, ce serait pas ce qu'il y a de mieux pour lui, ce serait ce qu'il y a de mieux pour toi. Tu coup tu lèves les yeux au ciel, dans l'espoir de ne pas te mettre à pleurer toi aussi, et réponds, plus tendrement qu'avant :

" Je ne te parle pas d'arrêter. Je te parle de faire un premier pas vers la guérison. Accompagnes moi une seule fois, et si tu ne te sens pas un peu mieux après, je ne te demanderai plus jamais. Deal ? " Tu lui tends ta main, priant l'univers qu'il finisse par la serrer et accepter ta proposition.