OOTDElle courait.
Elle ne faisait que ça. Courir. Sans s'arrêter. Courir de toutes ses forces comme si sa vie en dépendait.
Et sa vie en dépendait.
Elle entendait l'horrible bruit de la tronçonneuse juste derrière elle.
Le ronronnement sourd, la chaine qui sautait parfois.
Il était bien trop proche.
À nouveau elle accéléra. Alors pourquoi n'arrivait elle pas à le semer alors qu'il marchait tranquillement, dressant son engin de mort comme pour la narguer.
Katarina finit par trébucher et se retrouver au sol.
Elle roula pour tenter de se relever mais déjà le tueur était penché au dessus de sa petite silhouette.
Elle recula sur les coudes, prise au piège comme une petite souris.
Alors son agresseur ôta son masque de hockey, révélant le visage de son frère, un sourire malsain collé aux lèvres.
Il abattit son arme sur son propre sang et ce fut le noir complet.
Jiwon se réveilla en sursaut.
La jeune femme écarta un bras qui cherchait à la serrer contre un corps et elle s'assit sur le bord du lit pour reprendre ses esprits.
Cet horrible cauchemar semblait beaucoup trop réel.
Elle fila dans la salle de bain pour se passer de l'eau sur le visage.
Les souvenirs de la veille lui revenaient par flash.
Elle ne savait pas exactement chez qui elle était mais elle n'était pas chez elle.
La veille au soir elle s'était accordé une pause bien méritée dans sa mission.
La canadienne s'était permis une sortie, juste un verre dans un bar pas trop mal famé, jusqu'à ce que...
«Anticonstitutionnellement»Katarina avait tourné la tête sur sa gauche, un sourcil levé, pour découvrir un jeune homme plutôt mignon mais qui ne respirait clairement pas l'intelligence.
«Désolé, c'est du français, je savais pas comment aborder une aussi jolie fille que toi. Je t'offre un verre ?»Génial. Elle était tombée sur un baratineur. Et pas des plus doués.
Elle avait eu envie de lui dire qu'elle avait elle-même suivi des cours de français à l'université et qu'elle savait
pertinemment que son approche n'avait absolument aucun sens.
Mais elle s'était retenue. Pas parce qu'elle redoutait de passer pour une sauvage, ça elle n'avait aucuns problèmes à rembarrer les lourdeaux, mais parce qu'il était peut être sa seule chance d'oublier ses soucis le temps d'une soirée.
Alors elle avait choisi de subir sa présence et de finir dans son lit.
Katarina revint à l'instant présent, observant son reflet dans le miroir.
Elle avait les traits tirés, l'air fatiguée.
Oh pas à cause de ce qu'ils avaient fait une fois arrivés à l'appartement. Malgré ses bravades le jeune homme dont elle avait oublié le prénom n'était vraiment pas doué et elle s'était ennuyée jusqu'à ce qu'il finisse par s'endormir fier d'une performance qui ne méritait aucunes louanges.
Mais cet horrible cauchemar ne la quittait pas. Les minutes qui passaient effaçaient ses souvenirs de la nuit mais un certain sentiment persistait.
Et si c'était ce qui l'attendait au bout du chemin ?
Une mission suicide qui menait à un crime fratricide.
La jeune femme secoua la tête, c'était stupide.
Elle n'avait qu'à trouver son ainé, le raisonner et le ramener à Calgary.
Et enfin elle quitterait cette ville pourrie et tous les rats qui s'y enterrent.
Rapidement et silencieusement elle s'habilla et se glissa hors de l'appartement.
Elle n'avait aucune intention de revoir son coup du soir.
Ce n'est qu'une fois rendue dans la rue qu'elle se permit de souffler.
Un seul regard posé sur sa belle moto japonaise garée un peu plus loin suffit à lui décrocher un sourire et lui alléger un peu le coeur.
Décidément elle était sa seule alliée ici.
Katarina sortit ses clés avant de s'apercevoir qu'elle avait oublié son casque là haut, dans l'appartement de ce gars.
«Merde !» lâcha elle tout fort, surprenant des passants allant au boulot.
Elle était prise d'un dilemme.
Est ce qu'elle devait retourner sur ses pas, sonner à l'interphone, réveiller sa piètre conquête, assumer sa fuite, juste pour récupérer son casque ?
Ou valait il mieux faire une croix sur le précieux objet juste pour éviter tout ça ?
Elle avait quand même mis plusieurs centaines de dollars pour le faire personnaliser. Et puis elle pouvait écouter de la musique et même passer des appels grâce à un trésor d'ingéniosité et de technologie.
Non décidemment il fallait qu'elle le récupère.
Résignée elle fit demi-tour.
Sa bourde lui couta quasiment une heure et une longue et pénible discussion.
Le gros lourd voulait absolument avoir son numéro pour la revoir, persuadé qu'elle avait passé une bonne soirée et qu'il était un amant merveilleux.
Il ne cessait de lui répéter qu'elle était magnifique et qu'il était sincère quand il disait vouloir avoir une relation sérieuse avec elle.
Finalement, excédée et à bout de patience elle finit par lui céder à contre cœur son numéro de téléphone qu'il s'empressa d'enregistrer en vérifiant qu'elle ne lui ait pas donné un faux.
Il faudrait qu'elle pense à changer de numéro.
Enfin elle avait pu se débarrasser de la sangsue et retrouver l'air frais de la rue, son casque à la main.
Elle mit quelques secondes à distinguer la silhouette d'une fliquette occupée à relever la plaque de sa moto et rédiger un procès verbal.
Instantanément Katarina vit rouge.
«Non ! Non ! Non ! Non ! » clama elle en s'approchant vivement.
Tout ça ne serait jamais arrivé si ce connard ne lui avait pas tenu la jambe.
La jeune femme se posta entre son bébé et la policière, les bras écartés l'air de dire
si tu veux toucher à mon trésor il faudra me passer sur le corps.
Ses yeux lançaient des éclairs, elle avait envie de pousser cette policière pour qu'elle dégage de là, mais elle savait pertinemment que si elle voulait éviter l'amende il faudrait qu'elle soit maligne et persuasive, pas violente et agressive.
«Écoutez... je sais que je suis pas très bien garée...» commença elle en prenait un faux air peiné.
Pas très bien garée était un doux euphémisme.
Elle avait carrément posé son bolide entre deux voiture, à moitié sur le trottoir, empêchant les propriétaires des véhicules de quitter leur stationnement et gênant les piétons sur le trottoir.
Peut être était elle légèrement alcoolisée hier soir.
«J'ai eu une urgence. Je suis désolée. Est-ce qu'on peut dire qu'on oublie ça et je file sur le champ ?»Elle arborait son sourire le plus charmeur alors qu'elle avait juste envie de griffer au sang cette sale petite policière et de jeter son petit carnet dans le caniveau.
Mais soudainement leurs regards se croisèrent et quelque chose perturba profondément la petite canadienne.
Ses sourcils s'étaient naturellement froncés.
Cette femme elle l'avait déjà vue elle en était certaine. Une aussi jolie fille jamais elle n'aurait pu l'oublier.
Et les souvenirs fugaces lui revenaient en mémoire.
«San Antonio ?!»C'était à la fois une question et l'expression de sa surprise.
Une rencontre qui commençait à dater. Quelques dizaines de minutes passées ensemble, loin très loin de là. Une main tendue sans rien attendre en retour.
Katarina détailla le visage de la jeune femme.
Elle était persuadée d'avoir raison, elle n'attendait qu'un mot de confirmation.
En revanche ce qu'elle ne comprenait pas c'est
pourquoi son cœur s'était soudainement affolé.