C'est avec cette envie de partage et de confidence que j'ai décidé d'écrire pour extérioriser ma colère et mes angoisses. Mais aussi et surtout pour me rappeler des meilleurs moments avec ma famille et mes amis. Il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie. De très bonnes comme de très mauvaises, forgeant malgré tout ma personnalité. Avant ma naissance, mes parents s'étaient rencontrés à Washington même, six ans plus tôt. Comme beaucoup de familles étrangères, ils avaient emménagés aux États-Unis pour y trouver le rêve américain. Mon père avait fait des études pour devenir ingénieur dans l'informatique sur Penn Quarter et ma mère aspirait à devenir cuisinière dans un restaurant, à ce moment-là serveuse dans un restaurant ouvrier de Chinatown. Et c'est quand ils étaient tous les deux entrés dans la vie active, qu'ils s'étaient vus pour la première fois. Puis ils s'étaient revus, de plus en plus régulièrement. En effet, mon père venait déjeuner tous les midis, et au fil des années, l'un et l'autre étaient tombés amoureux. Cinq ans après le premier regard échangé, ils avaient acheté une maison sur Dupont Circle, afin de vivre sous le même toit. Un an après, ils se sont mariés, décidant tous les deux de fonder une famille. Après les neuf mois de grossesse de ma mère ; je suis venue au monde, au début du printemps 1987. D'où le choix de mon prénom, Ayame, désignant l'iris. Mon second prénom est tout naturellement celui de ma mère, Azumi. C'est à ce moment-là que débutait le bonheur de mes parents, tous deux épanouis.



Deux ans plus tard, mon petit frère était arrivé. Ils le nommèrent Kenshirō. Dés le début, j'étais très proche de lui. J'étais encore toute petite, mais je voulais le câliner aussi, quand je voyais ma mère le faire. Je le faisais rire, il me faisait rire. Une complicité apparaissait, petit à petit. Au fil des années, on s'amusait de plus en plus lui et moi, en se trouvant des points communs. Mon petit frère et moi, nous nous faisions des amis, on avait toujours le sourire aux lèvres. C'est à ce moment-là que j'ai fait la rencontre de Sumire. Une adolescente, d'à peine quelques mois de plus que moi, qui habitait à quelques pâtés de maison. Passionnés par le basketball, notre père nous avait acheté un panier qu'il avait fixé au mur, ainsi qu'un ballon. On s'entraînait aux tirs, devant le garage après les cours, Sumire, Ken et moi. À cet époque-là, j'avais douze ans et il en avait dix. C'était encore la belle vie. J'me rappellerai toujours de ces week-ends en famille, à faire la cuisine ; tous ensemble. Parfois, on invitait même Sumire à venir manger à la maison. Elle est moi, on était devenues des amies très proches. Les meilleures du monde. Sans le savoir d'ailleurs, notre vie sentimentale allait basculer du même côté, quelques années après. Au fil des mois, ses parents avaient connu les miens et s'entendaient vraiment bien. En bref, on pouvait presque apparenter tout ça à un conte de fées. Avant que tout ne parte malheureusement en fumée… Comme dans un film noir.



Mon frère et moi, on était encore jeunes, on ne se préoccupait pas forcément de ce que faisaient nos parents. Ils travaillaient et en famille de classe moyenne que l'on était, on ne manquait de rien. Mon père avait quitté son emploi d'informaticien et avait aidé ma mère à fonder leur propre affaire de restaurant. On mangeait à notre faim, on avait de quoi s'habiller bien convenablement que ce soit pour s'adapter à la chaleur de l'été ou la fraîcheur de l'hiver. On était gâtés pendant nos anniversaires ou pendant les fêtes de Noël. On avait vraiment pas de quoi s'inquiéter, on était heureux. Mais malgré tout ça, on pouvait les entendre discuter le soir, quand mon frère et moi partions nous coucher. Ils pouvaient discuter une heure, parfois deux. Souvent, j'entendais ce même sujet de conversation, avec quelques mots que j'arrivais à entendre, malgré l'étage : 彼らは今月、さらにどれくらい頼むのでしょうか？長持ちしますか？ そうではないといいですね。 私は彼らが私達からほしいと思うものが、はちみつ知らない。 J'vais traduire pour vous. Tout le monde ne parle pas japonais, comme nous. « Combien vont-ils encore demander, ce mois-ci ? Est-ce que ça va durer encore longtemps ? » « J'espère que non. Je ne sais pas ce qu'ils nous veulent, chérie. » Des choses que je ne comprenais pas tellement à mon âge. Des factures peut-être ? Comme dans n'importe quelle autre famille, finalement. Mais en fait, il s'agissait d'autre chose. D'ordre financier également, mais pour bien plus grave. Le restaurant de ma mère... Il était sous la protection d'un gang. Une mafia. Ils extorquaient mes parents, sous prétexte qu'ils les protégeaient des braquages, des vols et des incendies. Je ne l'ai compris que trop tard. À cette époque, j'étais encore bien trop jeune...



En effet, deux ans passèrent et j'étais sur le point de rentrer au lycée. C'est à l'âge de quatorze ans que mon calvaire commença. On était en octobre 2001. Avec ma famille, on pensait avoir vécu les pires horreurs possibles, le mois dernier. Les attentats du 11 septembre. Un cauchemar. Les images à la télévision m'avait terrorisée. Ces types-là... Des monstres. On ne pouvait pas qualifier ces « soldats » d'Al-Qaïda comme tels. Non. Pour le reste de la population mondiale, il s'agissait de monstres. Des terroristes. Les images avaient fait le tour du Monde. L'Europe, l'Asie... Tout le monde en parlait. Et dire que quelques semaines plus tard, on pensait que c'était fini. Malheureusement, ma famille se trompait. On se trompait tous...





Jusqu'au jour où Sumire avait commencé ses études. Après avoir obtenu son High School Diploma en 2003 – alors que je travaillais comme documentaliste, à la bibliothèque, avant ma dernière année de lycée – elle ; avait enchaîné sur son Bachelor Degree, qu'elle a réussi à obtenir, en 2007. Une grande fête, que je ne serai pas prête d'oublier. Puisque c'est ce soir-là que tout a basculé pour nous deux. Elle était restée manger puis on a dormi ensemble. Du moins, on s'était confiée l'une à l'autre pendant une bonne heure. Je lui avais parlé de cette nuit en 2001, comprenant que finalement, nos chemins s'étaient croisés pour que l'on finisse ensemble. Elle avait 22 ans, j'en avais 20... Et dans un baiser révélateur, on avait compris que l'on était faite l'une pour l'autre. Pour ce premier rapport consenti avec une femme, c'était comme si tout cela m'avait libérée. Je m'étais senti renaître. Et après une nuit où je n'avais jamais aussi bien dormi de toute mon existence, on l'avait annoncé à mes parents ; le lendemain matin. On était amoureuses. Une union que l'on avait décidé d'officialiser par une date symbolique pour nous deux : le 07 juillet de l'année 2007. Ce chiffre étant une marque du bonheur et de la chance, au Japon. C'est à la rentrée en septembre, qu'elle s'était sentie prête pour partir en direction de Quantico en Virginie, durant quatre ans de formation à la FBI Academy. Cet endroit prestigieux, formant les nouvelles recrues du FBI, générations après générations, pendant quatre années d'études et de tests théoriques et pratiques.



De mon côté, en 2007, j'étais encore en plein dans l'obtention de mon Bachelor Degree. À ce moment-là, elle et moi, on correspondait par téléphone et on s'envoyait des mails. Grâce à ça, on pouvait garder le contact, malgré le fait de trouver le temps long, parfois. En juillet 2008, j'avais pu décrocher le diplôme, à mon tour. Plus âgée que moi, j'ai su que Sumire avait intégré la brigade de lutte anti-terrorisme, à Washington D.C. ; finissant son année de probation en juin 2011. Elle a ensuite pu commencer sa carrière d'agent du FBI, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, en septembre 2011. Par ailleurs, elle emménagea dans une maison qui était à vendre, dans notre quartier d'enfance, à Dupont Circle. Après l'obtention de mon Bachelor Degree en juillet 2008, j'avais écumé les petites annonces à la recherche d'un job pour valider mes trois années d'expérience professionnelle. Et comme j'avais toujours été quelqu'un considéré comme étant proche des gens, je m'étais mise à chercher un boulot qui demandait du contact. Pas très loin de chez mes parents, j'avais trouvé l'adresse d'une association, qui était à peine à un kilomètre de chez eux. Pour occuper les journées des enfants du quartier avec des activités extra-scolaires, ils cherchaient des animateurs et des professeurs différents. J'ai pu postuler comme professeur de guitare et après trois semaines d'essai durant juillet 2008, j'ai pu obtenir un job à la rentrée en septembre. À ce moment-là, j'avais rejoint Sumire chez elle, le temps de prendre mes marques avec mon nouvel emploi de professeure de guitare. En travaillant là-bas pendant trois ans, j'ai pu valider les trois ans d'expérience professionnelle dont j'avais besoin ; afin de poursuivre mes projets dans la vie active ; et boucler mon dossier de candidature. J'allais rentrer au FBI, en septembre 2011 ; alors que Sumire commençait à intégrer le terrain.



Pour la rentrée de septembre 2011, j'avais enfin obtenu le nécessaire au niveau administratif pour atteindre mon but et apprendre la vie d'agent, à la FBI Academy. Faisant mes valises, je m'étais ensuite mise en route à Quantico, en prenant le train à mon tour ; en direction de l'Académie. J'étais à la fois stressée et excitée. J'avais tellement hâte de commencer. Fière, j'avais atteint mon but pour étudier et apprendre les ficelles du métier. Pendant ces quatre ans à tenir, je me motivais. Je m'efforçais à respecter les règles, l'une après l'autre. Prenant Sumire et sa réussite comme modèle. Le travail était fastidieux par moment, mais la récompense finale, en valait la peine. Travailler au FBI, c'était ce que j'avais toujours voulu. Je voulais faire plaisir à ma famille ; et de là où il était, je savais que mon petit frère était fier de moi. Au fil des années à l'Académie, je m'étais fait des amis, au sein de ma promotion. On s'entraidait au travers des différentes épreuves théoriques et pratiques. De temps à autre, je donnais des nouvelles à Sumire revenue sur Washington pour qu'elle évite de trop s'inquiéter. Parfois, j'devais encaisser quelques moqueries. Des sobriquets ridicules, surtout. Mais avec le temps, j'me suis fait aux surnoms sans originalité comme « Face de Citron » ; « Bol de Riz » ; « Pousse de Soja » ou « La Bridée » que j'ai pu entendre à longueur de journée. « La Bleue » ; c'était quand même plus supportable. Et je n'étais pas seule, après tout.



En janvier 2015, je sens que la fin de ma formation arrive. Plus que quelques mois de formation à tirer. Je me trouve en stage à la brigade anti-gangs et de lutte contre la criminalité organisée. Souvent rattachée à la brigade des crimes sexuels ; comme consultante et comme médiatrice lors des cellules de crises. Toujours aussi motivée, j'espère atteindre mon but ultime et devenir un agent intègre et dévoué pour servir son pays, comme il se doit. Je reste en retrait, mais j'écoute et j'observe. J'applique les ordres et prends des initiatives. Je fais clairement partie des meilleurs élèves de ma promotion. Tout se passe comme prévu. Je me marie même durant l'été - à la date symbolique du 07 juillet 2014 - avec Sumire, pendant mon mois de vacances, avant ma dernière année de formation. Tout roule. Enfin... Tout roule, jusqu'à ce qu'un incident ne fasse tout foirer pour chambouler ma vie. Une seconde fois... Pour faire simple et écourter mon histoire - et aussi puisque je commence à manquer d'encre dans le stylo - septembre 2014 est sur de point de débuter et je m'engage finalement dans la lutte contre le crime organisé ; en tant que véritable agent de terrain à la rentrée. Dans ma dernière année. Celle de la probation. La plus importante. Prête à en découdre avec la Bratva - la mafia russe - la Cosa Nostra - la mafia italienne - les triades chinoises et les Yakuzas du Japon. Le problème, c'est que j'étais loin de me douter de c'qui allait se passer, plus tard, en 2016. Au point d'en ruiner ma carrière au sein du FBI. Et possiblement détruire mes ambitions. À moins que...



En avril 2016, j'avais été envoyée sur le terrain du côté de New York. Le Bronx. Là-bas, un clan Yakuza semait le trouble. On m'avait envoyée sur place pour les infiltrer. Manque de bol pour moi ; la mission s'est soldée par un échec. Sous couverture - tant par l'identité que par de faux tatouages finement ouvragés - je me faisais appeler Ayumi « Kaze » Sato. Dite aussi, « la Kamikaze » par ses pairs. Fille d'une riche famille Yakuza, dont le père avait passé le flambeau. J'étais devenue ce que l'on appelle un oyabun dans le milieu. D'ordinaire, les clans yakuzas sont exclusivement composés d'hommes. Ma couverture de digne héritière et de fille unique a pu... Disons contrecarrer le problème. Le souci, c'est que ma couverture a réellement terminée par se faire démolir. Un agent du FBI - certainement jaloux - avait fait capoter la mission, en tuant l'oyabun rival que je visais. J'avais pour but de l'écrouer et de faire tomber son organisation. Son organisation est tombée... Mais d'une autre manière. J'ai dû revenir au becail en catastrophe... En revenant, les supérieurs étaient furieux. C'est là que j'ai bien cru que j'allais perdre mon boulot. Mon calvaire a duré un an. Le temps de faire passer toute cette affaire, de comité en comité. De tout réexaminer le dossier. En avril 2017 ; ça s'est précisé. On a su qui avait fait capoter l'affaire et comment. Le type a eu un procès, jugé et démis de ses fonctions quelques mois plus tard. Blanchie de toute cette merde ; j'ai pu reprendre mon travail d'agent de terrain.



Depuis septembre 2018, on s'est installées dans la ville de Seattle avec Sumire. Sur place, il y a des choses bizarres qui se trament. S'il y a une branche de la mafia dans le coin ? Aucune idée. Cela dit, il y a forcément des gangs qui s'organisent pas loin. Behemoth... Cette organisation a attiré l'attention du Bureau. Je ne sais pas ce qu'ils font de quoi ils sont capables ou encore qui ils sont. Mais dans tous les cas, ils terrorisent la population. Les journaux en parlent, les rumeurs vont bon train ici et là... Je ne sais pas comment mes supérieurs ont décidé de s'organiser, là-dessus. Je ne peux pas vous mentir. Avec c'que j'ai vécu dans ma vie ; j'suis obligée de m'attendre à tout. J'vais être franche, ça m'fait peur. Tous les soirs, j'me demande de quoi demain sera fait. Tenez... Il n'y a pas si longtemps, il s'est passé un truc. Toby Gunfield. Il y a neuf jours, cette personne a été déclarée officiellement disparue. La fête foraine mise en place pour Halloween... C'est là qu'on l'a vu pour la dernière fois. Voyez... Moi qui suit citoyenne américaine depuis la naissance, j'me suis bien évidemment adaptée aux fêtes et aux coutumes du pays ; même si je reste très attachée à mes racines. Étant très attachée à ma famille, j'adore fêter Thanksgiving et Noël. Même si sans mon p'tit frère, ces soirs de fêtes n'ont plus du tout la même saveur... Mais Halloween... J'sais pas. C'qui me gêne, ce sont les gens qui en profitent pour péter un plomb. Qu'il s'agisse de clowns tueurs ou de gens déguisés se prenant pour des tueurs en série, se sentant inspirés par les plus grands films d'horreur... Vous imaginez, une seconde ? Tué d'une balle en pleine tête. Le pauvre gars... Et ce n'est pas tout ! C'est trois jours après que les rapports d'autopsie sont tombés. Avant d'être abattu à bout pourtant, Toby a été frappé, torturé et transporté ailleurs. Vous imaginez le délire ? Le sadisme de ces gens est sans nom. C'est à vous glacer le sang. Le pire, c'est que le pauvre gamin n'avait rien à se reprocher. Le jeune Toby Gunfield était juste un étudiant du coin ; joueur populaire de l'équipe de foot universitaire. Chez lui, ils avaient relevé un comportement étrange, deux jours avant qu'il ne disparaisse. Il semblait différent. D'après ce qui a pu se dire, Toby avait utilisé son téléphone bien plus régulièrement que d'habitude. Malheureusement, rien n'a été détecté comme étant anormal sur l'appareil. Rien, mais ça reste une piste depuis. En fait, c'est le seul lien en commun avec les autres affaires encore non-élucidées. C'est tout c'que l'on peut partager avec la police ; en guise d'indices. Ce qui n'avance pas leur travail ou celui du Bureau ; c'est ça. Le fait de nous faire douter. Est-ce qu'il s'agit réellement d'un meurtre effectué par Behemoth ? Est-ce que ce meurtre est l’œuvre d'un tueur en série ? C'est frustrant de tourner en rond. Je déteste ça...