OOTDSoojin ôta son casque, l'air un peu hébétée.
Le son de sa propre voix lui revenait comme
un écho,
un écho,
un écho,
un écho.Elle éloigna le micro et entreprit de couvrir la courte distance qui la séparait de la cuisine pour hydrater sa gorge qui réclamait cruellement de l'eau bien fraiche.
L'heure clignotante affichée sur le four d'un vert néon indécent manqua presque de la faire s'étouffer.
Déjà si tard ?
Lorsqu'elle s'adonnait à sa passion la petite coréenne perdait toute notion du temps et de l'espace.
Elle n'était plus une stupide étrangère perdue en territoire hostile.
Sa vie était dédiée à la musique. Et à Yui. Surtout Yui.
En bonne
future épouse elle lança le diner, dressa la table et étendit la machine de linge qu'elle avait un peu trop laissée trainer au fond du tambour.
Si elle souhaitait voir son rêve de recevoir une demande en mariage de sa copine devenir réalité c'était le minimum qu'elle pouvait faire.
Surtout que sa japonaise travaillait énormément pour qu'elles puissent vivre convenablement.
Sa belle continuait même de la couvrir de cadeaux alors que Soojin savait pertinemment que l'argent de l'héritage n'était plus qu'un lointain souvenir.
Elle avait essayé de travailler, faire des petits boulots, mais ça n'avait pas vraiment fonctionné. Soit les gens n'étaient pas très accueillants soit elle était trop différente.
Elle avait vraiment beaucoup de mal à s'intégrer dans cette ville et n'avait pas vraiment d'amis. Quand Yui n'était pas là elle se sentait vraiment seule.
Mais elle ne devait pas se laisser aller à déprimer. Sa moitié allait rentrer d'une minute à l'autre et elle se devait de l'accueillir d'un radieux sourire.
L'amoureuse ouvrit la porte pour accueillir son aimée dès son arrivée.
Mais sa chère et tendre n'arrivait pas. Peut être était elle retenue au cabinet d'avocats où elle travaillait désormais.
Soojin se sentait emplie de fierté chaque fois qu'elle songeait que
sa petite amie était devenue officiellement avocate. Elle savait pertinemment quelle ambition elle nourrissait et qu'elle avait été elle même un frein à sa carrière. Elle le déplorait silencieusement même si dans son infinie bonté Yui ne lui reprochait jamais.
La petite coréenne fit quelques pas sur le terrain devant leur maison de banlieue.
Leur maison. Dans un quartier résidentiel de
Seattle.
Elle avait encore du mal à réaliser ce qu'était devenue sa vie.
Mais à errer ainsi son regard finit par être attiré par une scène singulière.
Dans la relative pénombre de la rue, un peu à l'écart de la route principale bien éclairée, une masse informe s'était formée.
Poussée par la curiosité la jeune femme s'approcha silencieusement.
Elle réduisit la distance entre elle et l'objet de son attention, s'éloignant de plus en plus de son foyer.
Jusqu'à distinguer enfin une scène qui l'attendrit et lui décrocha un sourire.
Un individu, un jeune homme, occupé à nourrir de nombreux félins et à leur porter une attention dont ils ne devaient que peu bénéficier ne l'avait pas entendue arriver.
Ou peut être que si. Il lui adressa quelques mots, l'invitant à approcher.
Elle ignorait ce qui l'avait trahie, elle avait pourtant pris soin de rester silencieuse.
Mais il semblait amical. Il
s semblai
ent amica
ux.
Alors elle s'approcha un peu plus, jusqu'à s'accroupir et laisser timidement une de ses main glisser dans le pelage abimé d'un matou gris. Ou peut être était-ce dû à la nuit ?
Elle avait envie de poser des questions. Elle se demandait qui il était. D'où il venait. Il semblait différent. Comme elle. Mais encore plus différent.
Peut être chinois ? Ou Taïwanais comme la copine qu'elle avait eu une fois en cours en Corée. Dans une autre vie.
«Je savais pas qu'il y avait des chats ici» articula elle un peu stupidement sans oser s'approprier la nourriture étrange qu'il lui offrait pourtant.
Est-ce qu'elle se dépêchait de rentrer à l'abris de ses murs avant la nuit tombée depuis qu'elle avait subi une agression plusieurs semaines auparavant ? C'était possible.
Ces matous errants ne se montraient certainement qu'à la tombée du soir, lorsqu'ils étaient certains de ne pas être embêtés.
Ou peut être que cet étrange jeune homme était un charmeur de chats.
Ça ne lui semblait pas si extravagant. Il émanait quelque chose de particulier, indescriptible.
«Est-ce que... tu habites ici ?» questionna elle dans un anglais loin d'être parfait.
Les quelques mauvaises rencontres qu'elle avait fait l'avaient fortement freinée dans ses efforts pour s'approprier la langue de Shakespeare et elle préférait rester avec Yui à converser en coréen ou en japonais.
Elle était mue par la curiosité mais freinée par une sorte de bienséance qui lui imposait de ne pas demander directement s'il était un étranger comme elle, s'il se sentait aussi seul, d'où il venait, ce qu'il faisait.
Toutes ces questions qui lui brulaient les lèvres.